Pour ceux qui ne s’intéressent au football continental que quand la Coupe d’Afrique des nations s’invite dans le calendrier hivernal, le match nul, concédé samedi 14 janvier, par le Gabon à la Guinée-Bissau (1-1) est vécu comme une véritable sensation.

Sportivement, et même si les Lusophones (68e) sont mieux lotis que les Panthères gabonaises (108e) au classement FIFA, la surprise est compréhensible : le Gabon possède un attaquant de classe mondiale (Pierre-Emerick Aubameyang) et des joueurs de bon niveau (Mario Lemina, Didier Ndong ou Bruno Ecuele Manga), tandis que les Djurtus bissau-guinéens alignent des joueurs méconnus, éparpillés dans des clubs de deuxième ou troisième zone au Portugal, en Espagne, en Grèce ou en Norvège.

« Le foot gabonais navigue à vue »

« C’est sans doute la première fois de l’histoire que nous avons une sélection aussi forte. Le problème, c’est que le football gabonais navigue à vue. La gestion de l’équipe nationale est très aléatoire. Ce match nul est une conséquence des errements de ces dernières années », regrette l’international gabonais Rémy Ebanega, actuellement blessé et sans club.

En coulisse, le Gabon a connu une année chaotique. « Les résultats sont assez moyens, mais il ne faut pas s’en étonner. La fédération [Fegafoot] n’a plus la main sur l’équipe. Tout est piloté depuis le palais présidentiel, notamment le choix du coach », intervient l’ancien défenseur et capitaine Paul Kessany, à la retraite depuis fin 2015.

Le Portugais Jorge Costa, nommé en 2014 et reconduit pour six mois en août et finalement prié d’aller exercer ses talents ailleurs, était payé 70 000 euros par mois, ce qui faisait de lui le sélectionneur le mieux payé d’Afrique. Il a été remplacé début décembre par l’Espagnol José Antonio Camacho, qui n’a jamais travaillé en Afrique et ne parle pas un mot de français.

« Certains sont chouchoutés au plus haut niveau »

La sélection nationale est considérée comme une véritable chasse gardée au palais du bord de mer, où certains joueurs sont choyés par les plus hautes instances de l’Etat. Pour Paul Kessany, ce lien direct entre les internationaux et la présidence nuit au fonctionnement interne des Panthères. « A partir du moment où certains joueurs sont chouchoutés au plus haut niveau, comment voulez-vous que le lien de subordination indispensable entre l’entraîneur et eux soit maintenu ? s’interroge l’ancien défenseur. C’est toute la discipline interne qui est remise en question. » Antonio Camacho, arrivé tardivement à Libreville, n’a rencontré ses joueurs qu’au début du stage de préparation, le 2 janvier.

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« Cette CAN a été mal préparée, entre le changement tardif de coach et un seul match amical disputé face à une équipe locale, Mounana [défaite 1-2]. Cela résume le manque de vision qu’il y a pour le football gabonais. Il n’y a pas de stratégie de jeu, des sélections de jeunes à l’équipe A », déplore Rémy Ebanega.

Mercredi, le Gabon jouera gros face au Burkina Faso dans un stade de l’Amitié de Libreville qui devrait être un peu plus garni que lors du match d’ouverture. « Les Gabonais aiment leur équipe mais celle-ci, entre des résultats décevants, des entraînements à huis clos et la manie de barricader ses joueurs dans des hôtels, s’est un peu éloignée de ses supporters », reprend Paul Kessany. Les Panthères auront quatre-vingt-dix minutes pour se rabibocher avec leurs fans.