Yahya Jammeh, le président sortant de la Gambie, le 24 novembre 2016 à Brikama. | MARCO LONGARI / AFP

La menace d’une intervention armée pour le déloger ? Les médiateurs extérieurs qui le poussent à reconnaître le verdict des urnes et lui promettent un exil doré ? Les défections qui s’accumulent dans son camp ? La fuite de milliers de ses compatriotes ? Rien ne semble ébranler Yahya Jammeh, dictateur ubuesque qui commande la Gambie depuis vingt-deux ans et refuse de céder son fauteuil à Adama Barrow, un inconnu qui, contre toute attente, l’a vaincu lors de l’élection du 1er décembre 2016.

L’espoir d’une transition en douceur, suscité après que le despote a reconnu sa défaite, s’est rapidement évaporé. Dans un revirement dont lui seul paraît capable, Yahya Jammeh s’est dédit une semaine après avoir félicité son vainqueur, rejetant des résultats entachés d’« erreurs inacceptables ». Depuis, ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, planté comme un clou au milieu du Sénégal, navigue dans l’incertitude alors que le président sortant ne montre aucun signe de fléchissement. Mardi 17 janvier, en signe de défi, il a instauré l’état d’urgence. « Il est dans la sérénité de la foi, convaincu de son bon droit et sûr que seul Dieu peut mettre fin à la crise. Dans ces conditions, il est difficile d’instaurer un dialogue », confie un membre de l’entourage de Yahya Jammeh. Pourtant le temps presse.

Angoisse

Le 19 janvier, date à laquelle Adama Barrow doit être investi et Yahya Jammeh considéré comme illégitime par les instances internationales, est attendu avec une certaine angoisse. Après avoir reçu l’onction de ses pairs au sommet Afrique-France de Bamako, le vainqueur de la présidentielle s’est installé dimanche à Dakar. Un lieu qui n’est pas neutre. Le Sénégal, qui entretient des relations exécrables avec M. Jammeh, accusé notamment de soutenir une branche de la rébellion en Casamance, était intervenu militairement en 1981 en Gambie pour mettre un terme à un éphémère coup d’Etat.

Coup de pression ou volonté réelle ? Lundi, M. Barrow a fait savoir, par la voix de l’un de ses conseillers, que sa « prestation de serment se fera en Gambie conformément à la section 63 de la Constitution » et que, dès jeudi, il assumera ses nouvelles fonctions… « Si Dieu le veut bien. » L’alternative serait une investiture à l’ambassade de Gambie au Sénégal afin de préparer un retour qui pourrait se faire avec l’appui d’armées de la région.

Les médiations conduites par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), mais aussi par le Maroc n’ont manifestement pas fait reculer « le fou de Kanilai », du nom de son village natal. Les offres d’exil au Nigeria ou au Maroc sont jusque-là restées lettre morte.

Détermination

Cependant, l’horizon de Yahya Jammeh s’obscurcit. Après la défection de son ministre de la communication, quatre autres ministres ont rendu lundi leur démission. Autre coup dur, le président de la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays, saisi pour interdire la cérémonie d’investiture de M. Barrow, s’est récusé.

Si son entêtement perdure, Yahya Jammeh pourrait, en dernier recours, faire les frais d’une intervention armée de la Cédéao. Par le passé, l’organisation ouest-africaine a davantage menacé qu’agi, mais le Sénégal et le Nigeria affichent leur détermination face à un adversaire à la puissance de feu limitée. Mardi, alors qu’un navire de l’armée nigériane faisait route vers la Gambie, un diplomate occidental assurait que « les chefs d’état-major travaillent. Les Nigérians ont envoyé un bataillon à l’instruction. La Cédéao se prépare pour obtenir les feux verts diplomatiques. Ce n’est pas que du bluff ».