Peu de sorties marquantes pour faire place dans les salles au Festival Télérama, mais aussi de belles programmations au Forum des images et à la Cinémathèque.

Remise à niveau : FESTIVAL TÉLÉRAMA

Festival cinéma Télérama 2017 - bande-annonce
Durée : 02:45

C’est devenu une institution dans la vie cinéphile française. A tel point que le commerce du cinéma règle son pas sur sa périodicité. Quand, en janvier, les salles associées au Festival Télérama programment les dix films de l’année précédente sélectionnés par la rédaction de l’hebdomadaire (publication du groupe Le Monde), distributeurs et exploitants s’abstiennent de sortir de nouveaux titres, tant l’offre, 3,50 euros pour chacun des 16 films retenus, est irrésistible.

Que l’on veuille jauger par soi-même les chances d’Isabelle Huppert pour l’Oscar d’interprétation féminine en allant voir Elle, de Paul Verhoeven, s’assurer que Woody Allen (Café Society) et Pedro Almodovar (Julieta) n’ont pas perdu la main ou déterminer une bonne fois pour toutes si Toni Erdmann méritait bien tous les éloges qui se sont déversés sur lui, c’est la dernière occasion de le faire en salles, avant les sorties en DVD ou les passages sur le petit écran de ces films. Cette année, puisque la manifestation célèbre son vingtième anniversaire, on ajoute au menu vingt films de la période, choisis par les lecteurs, de Mulholland Drive à Mustang, en passant par Tout sur ma mère ou Camille redouble. T.S.

Du 18 au 24 janvier, dans 300 salles Art et essai. Programme et liste des cinémas ici.

Bollywood et le reste : INDIA EXPRESS AU FORUM DES IMAGES

Anushka Sharma et Sharukh Khan dans « Rab Ne Bana Di Jodi » d’Aditya Chopra (2008). | YASH RAJ FILMS INTL. LTD

L’odyssée à laquelle invite le cinéma de l’Inde ressemble à sa gastronomie. Il n’y a pas un seul masala, il en existe des bouillants et des suaves, des jaune d’or, ocre, orangés comme une flamme. Une vie ne suffirait pas les savourer tous, trois ans de rétrospective n’auraient pas davantage suffi à réunir un échantillon à la hauteur de la diversité du cinéma indien, qui ne peut se réduire à la pléthorique production de Bollywood. Au Forum des images, la programmation India Express permettra de découvrir une fraction de cette dernière, mais aussi cette « nouvelle vague indienne » qui voudrait montrer la peau gangrenée du pays sous les sequins et le fil d’or : le douloureux carcan des mariages arrangés (The Lunchbox, de Ritesh Batra) ou la violence citadine des films d’Anurag Kashyap (on pourra rencontrer ce dernier au Forum, le dernier week-end de janvier).

Dans ce programme riche de grands classiques signés Guru Dutt ou Satyajit Ray, on trouve un tiers de titres inédits, parmi lesquels le charmant O Kadhal Kanmani, du Tamoul Mani Ratnam, qui adopte les codes visuels bollywoodiens tout en prêtant à ses héros un discours à rebours des idéaux matrimoniaux de l’usine à rêves. On pourra aussi découvrir Ankhon Dekhi de l’acteur-réalisateur Rajat Kapoor, l’histoire d’un père de famille qui décide du jour au lendemain de changer de vie, à la manière de l’Alexandre le bienheureux, d’Yves Robert.

India Express s’entend comme une invitation à renoncer à tout jugement préconçu sur le cinéma qui nous vient – si rarement – de l’Inde : il faut le voir pour croire et goûter ce sens si singulier que la liberté y prend. Noémie Luciani

India Express, Forum des images, 2, rue du Cinéma, Paris 1er. Tél. : 01 44 76 63 00. Du 18 janvier au 26 février. Forumdesimages.fr

La vie est belle mais le thé est amer : FRANK CAPRA À LA CINÉMATHÈQUE

Barbara Stanwyck et Niels Ashter dans « La Grande Muraille » (The Bitter Tea of General Yen) de Frank Capra (1932). | CINEMATHEQUE FRANCAISE

La rétrospective que la Cinémathèque consacre à Frank Capra jusqu’au 27 février permet, bien sûr, de voir ou de revoir les grands films qui ont donné naissance à sa légende, celle d’un chantre de l’Américain de la rue, victime et pourfendeur du capitalisme financier, d’un laudateur surdoué d’un système dont il a lui-même, immigrant sicilien devenu riche et célèbre, bénéficié. La Grande Dame d’un jour, New York-Miami, L’Extravagant Mr. Deeds, Monsieur Smith au Sénat ou La vie est belle forment, avec quelques autres titres, un corpus cohérent, image à la fois flatteuse et complexe d’une société américaine toujours à même de triompher de ses propres faiblesses.

Cette complexité se discerne sans doute mieux en voyant quelques-uns des films qui ont précédé cet apogée, assemblage hétéroclite qui trouve son unité grâce à la présence de Barbara Stanwyck. De Femmes de luxe (1930) à La Grande Muraille (1932), elle tourne à quatre reprises sous la direction de Capra, qui l’a engagée pour incarner une fille légère renonçant aux nuits new-yorkaises par amour pour un jeune artiste. Fille perdue dans Femmes de luxe ou Amour défendu, Barbara Stanwyck, qui n’a pas encore endossé la carapace de femme désabusée qui sera la sienne dans Assurance sur la mort, est prodigieuse aussi bien en prédicatrice corrompue dans La Femme aux miracles qu’en missionnaire américaine prête à céder au charme vénéneux d’un seigneur de la guerre chinois dans La Grande Muraille (surtout ne pas confondre avec le navet de Zhang Yimou), qui sortit aux Etats-Unis en 1932 sous le beau titre de The Bitter Tea of General Yen. T. S.

Rétrospective Capra à la Cinémathèque, 51, rue de Bercy, Paris 12e. Jusqu’au 27 février. Femmes de luxe, 24 janvier à 17 heures, 3 février à 12 h 30 ; La Femme aux miracles, 6 février à 21 h 30 ; Amour défendu, 18 février à 19 h 30 ; La Grande Muraille, 4 février à 19 h 30, 21 février à 21 h 30.

Portrait de groupe avec dame : « LA COMMUNAUTÉ »

Bande annonce LA COMMUNAUTE
Durée : 02:02

Dix-neuf ans après Festen, le Danois Thomas Vinterberg se met de nouveau à table aux côtés d’une assemblée contrastée (où l’on retrouve Trine Dyrholm et Ulrich Thomsen). La Communauté raconte l’histoire d’un couple qui hérite d’une grande maison et s’y installe en colocation avec un groupe d’amis ou de connaissances plus indirectes. Nous sommes dans les années 1970, et si la nécessité toute pragmatique de partager les frais a pu influencer la décision, c’est surtout, pour Anna (Trine Dyrholm) au moins, l’idée même de communauté qui est séduisante.

Le portrait de femme excède de si loin en envergure le tableau nostalgique qu’il le ferait presque regretter. Le lent passage de Trine Dyrholm de l’enthousiasme ivre de légèreté au tragique intérieur, en touchant dans l’intervalle toutes les nuances de doute et de gris, est mis en scène avec force, et plus remarquablement encore ménagé par l’actrice. La détresse de ce beau personnage prend au fil du récit une majesté opératique. N. L.

Film danois, néerlandais et suédois de Thomas Vinterberg, avec Trine Dyrholm, Ulrich Thomsen, Helene Reingaard Neumann, Martha Sofie Wallstrom Hansen (1 h 51).

Mise à jour d’un conte courant : « BELLE DORMANT »

BELLE DORMANT Bande Annonce (Mathieu Amalric - 2016)
Durée : 01:48

Dans le royaume de Letonia, dont le souverain (Serge Bozon) est soucieux d’inscrire les vestiges sur la carte du tourisme international, le jeune prince Egon (Niels Schneider), son fils, ne rêve que d’une chose : délivrer de son sort une princesse endormie depuis cent ans, comme le veut la légende. Son précepteur (Mathieu Amalric), ainsi que la bonne fée Gwendoline (Agathe Bonitzer), mandataire de l’Unesco, l’aident à traverser une jungle centrale, pour rejoindre le royaume enclavé de Kentz, figé lui aussi dans un sommeil éternel.

Le conte de fées façon Arrieta, c’est une fête que l’on se donne, une mascarade sans autre justification que le simple plaisir de se déguiser, de se transformer, de se transfigurer – la transfiguration étant, depuis toujours, le grand sujet du cinéaste. Rejouer un conte, c’est donc rendre sensible la réalité de l’imaginaire, comme les puissances d’imagination qui traversent la réalité. C’est autour de cette belle idée que tourne Belle dormant, sans le moindre esprit de sérieux, Ingrid Caven cabotine comme une petite fille capricieuse, tandis qu’Andy Gillet charge le roi de Kentz d’une onctuosité délirante. Arrieta tire de chacun une note excentrique et singulière (onirisme de Niels Schneider, pragmatisme d’Agathe Bonitzer), et de leur association un concert bigarré d’expressions et de tournures étonnantes. Mathieu Macheret

Film français d’Ado Arrieta, avec Niels Schneider, Agathe Bonitzer, Mathieu Amalric, Ingrid Caven, Serge Bozon, Andy Gillet (1 h 22).