Le calendrier de la mission d’information « pluripartisane » sur les moyens de la justice risque d’être trop rapproché de l’élection présidentielle pour qu’elle contribue à faire émerger le sujet dans la campagne électorale. Philippe Bas, le président (LR) de la commission des lois du Sénat, qui préside cette mission, a donc choisi de lever le voile sur quelques pistes de réflexion sans attendre de boucler son rapport, sans doute fin mars.

L’idée, lancée en juillet 2016 avec Dominique Raimbourg, président (PS) de la commission des lois de l’Assemblée nationale, était de bâtir un constat partagé sur lequel la prochaine majorité, quelle qu’elle soit, pourrait élaborer une loi de programmation. La mission sénatoriale a notamment fait un gros travail en coopération avec la Cour des comptes. Sans surprise, le constat est celui d’une insuffisance du budget de la justice, du nombre de magistrats et de greffiers.

Philippe Bas estime ainsi que pour remettre à niveau ce ministère sinistré, il serait nécessaire d’appliquer chaque année pendant le prochain quinquennat un coup de pouce budgétaire de 5 %, soit plus de 27 % en cinq ans. Le rythme de croissance du budget était en moyenne de 3 % depuis dix ans. Le budget 2017 de la justice arraché par Jean-Jacques Urvoas, le garde des sceaux, affiche un bond de 4,3 %.

Ne pas stigmatiser les magistrats

Mais pour obtenir un tel accès à la ressource budgétaire alors que la concurrence sera rude, avec le ministère de la défense notamment, le sénateur de la Manche estime que la justice devra démontrer sa capacité à se réformer. D’abord en limitant la mobilité effrénée du corps de la magistrature, dont pratiquement le tiers des effectifs changent de juridiction ou de fonction chaque année, provoquant une certaine désorganisation. « Pourquoi ne pas chaîner les nominations comme pour les préfets, qui ne quittent pas leur poste tant qu’un successeur n’y est pas nommé », interroge M. Bas ?

Pas question pour autant de stigmatiser les magistrats. « Cessons de leur faire porter la responsabilité de l’augmentation de la délinquance », affirme-t-il après avoir auditionné 150 personnes depuis septembre. Il reconnaît qu’il « était loin d’avoir mesuré la gravité de la situation » alors que sa famille politique est prompte à voir derrière chaque juge « un laxiste du Syndicat de la magistrature, ce qui n’est pas du tout la réalité ». Selon lui, « si les hommes politiques ne respectent pas les magistrats, les Français ne respecteront pas la justice ».

Pour améliorer l’accès à la justice, et désengorger les tribunaux, la mission Bas pourrait proposer le développement des conciliateurs de justice très au-delà de ce qui existe aujourd’hui – des litiges civils, commerciaux ou locatifs par exemple. Ils pourraient décider souverainement, alors qu’aujourd’hui leur solution à un litige ne s’impose qu’en cas d’accord entre les parties. Le recours aux conciliateurs pourrait être obligatoire dans un nombre plus important de litiges civils – et pourquoi pas au pénal. Autre proposition pour revoir à la baisse la carte judiciaire sans menacer le besoin de proximité de la justice, la possibilité de créer des « chambres détachées » qui feraient se déplacer les magistrats en fonction du volume d’affaires à traiter plutôt que les justiciables.

En revanche, il se montre favorable au rétablissement du timbre sur les procédures judiciaires payé par tous les plaignants, pour financer l’aide juridictionnelle. Quitte à le fixer à un niveau supérieur à 35 euros auquel il se situait quand Christiane Taubira l’a supprimé en 2014, dès lors que les plus modestes n’ont pas à le payer.