Le 17 janvier à Istanbul, devant le mémorial dédié aux victimes de la fusillade du Reina. | OZAN KOSE / AFP

La police turque a interpellé 27 personnes, dont 15 femmes, soupçonnées d’appartenir à des cellules dormantes de l’organisation Etat islamique (EI) dans la province de Bursa (région de Marmara), mercredi 18 janvier. Au cours des perquisitions, 40 faux passeports et fausses cartes d’identité ont été saisis. Les prévenus vivaient en famille et, à la suite des interpellations, vingt-neuf enfants ont dû être confiés aux services sociaux. Ce sont des ressortissants d’Asie centrale (Ouzbeks, Kirghizes, Tadjiks), ainsi que des Chinois d’origine ouïgoure. Tous seraient liés au tueur qui a causé la mort de 39 personnes dans une discothèque d’Istanbul, la nuit du Nouvel An.

Cette filière « centre-asiatique » a pu de fait être démantelée grâce aux aveux du tueur du Reina, capturé lundi 16 janvier par la police turque, après deux semaines d’une intense chasse à l’homme. Abdulgadir Macharipov, 34 ans, ressortissant ouzbek, a été arrêté avec ses complices dans un appartement d’Esenyurt, un quartier populaire de la banlieue d’Istanbul. Il a reconnu avoir perpétré la fusillade. Ses empreintes correspondent à celles relevées dans la boîte de nuit, assurent les enquêteurs.

« J’ai contacté Rakka, ils ont confirmé »

Des photographies, largement diffusées par les médias turcs, montrent un homme au visage tuméfié, l’arcade sourcilière endommagée, vêtu d’un maillot de corps tâché de sang. Selon les autorités, il serait entré illégalement en Turquie en janvier 2016, après avoir franchi une frontière « à l’est du pays », selon Vasip Sahin, le gouverneur d’Istanbul. Le quotidien Hurriyet assure pour sa part que le tueur est entré en Turquie via l’Iran. Il a ensuite passé un an à Konya (est) avec sa femme et ses deux enfants avant de venir à Istanbul commettre son méfait.

Pendant son interrogatoire, le tueur a reconnu avoir agi sur les instructions de l’EI, notamment sur celles d’un « émir » basé en Turquie et sur celles d’autres responsables basés à Rakka, le fief syrien de l’organisation. Il a avoué aux policiers avoir reçu l’ordre de commettre un attentat-suicide à Taksim, la place emblématique d’Istanbul, avant de se raviser, en raison de l’important dispositif policier déployé à cet endroit.

« J’avais entendu parler du club Reina. En passant devant, j’ai vu que le lieu n’était pas très protégé. J’ai contacté Rakka, ils ont confirmé, alors je suis allé chez moi, j’ai pris mes armes. Je suis allé là-bas pour mourir », a-t-il avoué aux enquêteurs, selon les procès-verbaux de son interrogatoire diffusés par la presse turque.

Sa capture va permettre aux autorités d’avoir accès à des « informations de première main » tant sur le mode opératoire de l’EI que sur ses réseaux dans le pays, a déclaré Bekir Bozdag, le ministre turc de la justice. Dès janvier 2015, les services turcs avaient reconnu la présence de milliers de djihadistes de l’EI organisés en cellules dormantes sur tout le territoire.

Les aveux du tueur du Reina corroborent l’existence de ces cellules dormantes, car il a bénéficié de nombreux relais pendant sa cavale, changeant de cachette à plusieurs reprises avant de s’installer dans un immeuble neuf du quartier d’Esenyurt en compagnie d’un ressortissant irakien et de trois femmes originaires d’Afrique (Egypte, Somalie, Sénégal) désireuses de rejoindre la Syrie. Dans l’appartement, les policiers ont saisi 197 000 dollars (185 000 euros) en liquide, deux armes et deux drones.

Mode opératoire différent

Son parcours diffère toutefois de ceux des auteurs des attentats-suicides perpétrés précédemment en Turquie, lesquels avaient tous séjourné et été entraînés au sein du « califat » autoproclamé par l’EI en Syrie. Lui assure avoir été entraîné en Afghanistan.

Son mode opératoire est différent. Ainsi, il n’a pas eu recours à une ceinture d’explosifs, comme c’était le cas lors des précédents attentats attribués à l’EI – Suruç en juillet 2015, Ankara en octobre 2015, Sultanahmet (Istanbul) en janvier 2016, Istiklal (Istanbul) en mars 2016, aéroport Atatürk d’Istanbul en juin 2016.

Lors de ses aveux, il aurait confié avoir attendu les explosifs et la ceinture, en vain. Enfin, la somme d’argent saisie est bien plus importante que celles retrouvées jusqu’ici lors des perquisitions effectuées par la police aux domiciles des présumés jihadistes de l’EI en Turquie.