Martin Winterkorn lors de la Foire de Hanovre, en avril 2015. | WOLFGANG RATTAY / REUTERS

Martin Winterkorn campe sur sa ligne de défense. Devant la commission d’enquête parlementaire allemande, jeudi 19 janvier, l’ancien PDG de Volkswagen (VW) a redit n’avoir « rien su » des trucages des moteurs de 11 millions de véhicules diesel pour échapper aux contrôles antipollution. L’ex-dirigeant faisait sa première apparition publique depuis sa démission forcée, à la suite de l’éclatement de l’affaire, en septembre 2015.

Sous le feu des flashs et des caméras, M. Winterkorn, 69 ans, est apparu fatigué, mais résolu. Sa démission a été la « décision la plus difficile de sa vie », a-t-il dit aux membres de la commission, regrettant d’avoir « à vivre avec le fait que son nom soit intimement lié » au « dieselgate ». Il a réfuté les révélations récentes de la presse allemande selon lesquelles il aurait été informé dès 2012 d’irrégularités sur les moteurs. « Je n’ai reçu aucun document à ce sujet », a martelé l’ex-dirigeant le plus puissant du capitalisme allemand.

La culture de la peur en question

Serait-ce alors la faute de cette culture de la peur, évoquée par plusieurs cadres sous le couvert de l’anonymat au cours de l’enquête, qui l’aurait tenu éloigné de la vérité ? Impossible, tranche Martin Winterkorn, qui se ne reconnaît pas sous les traits du dirigeant autoritaire souvent décrit depuis dans les médias.

« Il n’y avait pas de régime de peur, ma porte était toujours ouverte, a-t-il estimé. Je suis un homme qui apprécie la franchise. Et durant mes trente-cinq ans chez VW, j’ai parlé presque quotidiennement avec des collaborateurs. Je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas été informé tôt et clairement des problèmes de mesure [de gaz polluants]. »

Martin Winterkorn a affirmé ne pas être en mesure de comprendre comment onze millions de clients de Volkswagen ont pu être trompés. Qui le connaît, a-t-il dit, sait que « l’amour du détail » et le « fini parfait » ont toujours été « une marque de fabrique de mon équipe et moi ». Il n’a appris qu’en septembre 2015 qu’il pouvait exister des dispositifs de déconnexion des systèmes antipollution. « Je ne suis pas ingénieur informatique », a-t-il ajouté, concédant simplement avoir éventuellement « mal perçu ou mal interprété certains signaux ».

A-t-il reçu des notes à propos des problèmes aux Etats-Unis ? A-t-il assisté à une réunion en juin 2015 où la mise en place d’une stratégie de contre-attaque contre les autorités américaines a été discutée ? Martin Winterkorn a botté en touche aux questions des députés et refusé de répondre, en renvoyant à l’enquête en cours au tribunal de Brunswick (Basse-Saxe).

Les Américains s’agacent

Une telle attitude, qui était pourtant attendue, a choqué les parlementaires et l’opinion publique allemande. Le directeur de la commission, Herbert Behrens (Die Linke, gauche), a jugé qu’après cette audition la crédibilité de Martin Winterkorn était ébranlée. « Il est resté bien en deçà de ce qu’il sait vraiment », a-t-il regretté. Quant au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung, il a estimé la présentation « osée » :

« Il ne savait donc rien, personne ne lui a rien dit, alors que sa porte était grande ouverte. Il loue son amour pour le détail”, mais personne ne lui demande comment le technicien Wiko – son surnom chez VW – a pu ignorer la manière dont les départements de développement des moteurs avaient pu réussir la mission impossible qu’il leur avait fixée. »

Cette réaction de l’ancien dirigeant ne manquera pas d’agacer les enquêteurs américains, qui pestent depuis longtemps contre le manque de coopération du groupe allemand et ont récemment renforcé la pression. Début janvier, ils ont arrêté et incarcéré, lors de ses vacances en Floride, l’un des dirigeants du groupe, Oliver Schmidt, responsable du département environnement et développement, qui avait mené les négociations avec les autorités américaines avant le scandale. Le ministère de la justice américaine a porté plainte contre cinq autres cadres de VW, accusés d’avoir participé à une « conspiration » pour « tromper » les Etats-Unis et le client américain.