La secrétaire d’Etat chargée du numérique et de l’innovation, Axelle Lemaire, teste un produit au CES de Las Vegas, le 5 janvier. | FREDERIC J. BROWN / AFP

Etablir une stratégie étatique pour l’intelligence artificielle à quatre mois de la fin du quinquennat peut sembler vain. C’est pourtant bien dans ce projet qu’Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique et de l’innovation, et Thierry Mandon, son homologue à l’enseignement supérieur et la recherche, se sont lancés, vendredi 20 janvier. Avec le projet « France IA », l’Etat entend mobiliser la communauté française de l’intelligence artificielle pour valoriser ses capacités.

L’initiative consiste en la mise en place de sept groupes de travail. Ils porteront notamment sur un recensement des efforts déjà réalisés en matière d’intelligence artificielle en France (formation, recherche, entreprise, start-up), l’identification des besoins industriels, les capacités de financement et les conditions des transferts de connaissances vers l’industrie. S’y ajouteront des travaux sur les questions éthiques et sociétales liées à l’intelligence artificielle.

L’initiative peut paraître timide, alors que des pays comme les Etats-Unis ou la Chine avancent au pas de course sur ces sujets, à grand renfort d’investissements. Elle répond néanmoins à une vraie attente. En témoignent les débats organisés, jeudi 19 janvier, au Sénat par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Toute la journée, universitaires, chercheurs, penseurs, pouvoirs publics ont souligné le paradoxe d’une France aux avant-postes du savoir et inaudible au niveau international. Financements complexes, concurrence des puissances étrangères – en particulier des géants américains, les GAFA, qui débauchent les meilleurs cerveaux français –, questionnements sur l’avenir du travail dans un monde dominé par les robots ont également agité l’assemblée.

Potentiel français

La conviction qu’il existe un potentiel français domine pourtant. « On a de très bonnes écoles, des chercheurs excellents, et d’un autre côté des start-up, des PME et des grandes entreprises qui ont besoin de ces compétences, mais la relation entre eux ne se fait pas complètement. On n’est pas dans une société où les chercheurs ont été incités à aller vers l’entreprise », souligne Bertrand Braunschweig, directeur de l’Inria, qui participera à l’initiative lancée par l’Etat. « Il était temps qu’on se mobilise. Il faut un projet national, il existe une communauté en France, pas forcément fédérée, il faut la galvaniser, aligner les vecteurs pour montrer nos qualités », abonde David Sadek, de l’Institut Mines-Télécom, qui participera également aux groupes de travail.

Une autre question taraude les milieux scientifiques français : est-ce que, comme pour Internet, la France risque d’avoir un train de retard. « Il n’est pas trop tard, mais il était grand temps », estime Axelle Lemaire, pour qui le prochain gouvernement « n’aura pas d’autre choix » que de poursuivre ce sillon.