Ils sont écoulés en grande majorité dans les commerces de rue des villes africaines, mais se retrouvent aussi dans les pharmacies des hôpitaux publics ou dans les stocks de grandes ONG humanitaires, feintées par l’habileté des faussaires. Les faux médicaments – avec un sinistre bilan évalué à plusieurs centaines de milliers de morts par an – sont devenus un fléau en Afrique. Le vaste coup de filet opéré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD) en septembre 2016, et dont les résultats ont été dévoilés vendredi 20 janvier à Paris, confirme l’ampleur du problème.

L’Inde premier fournisseur

Quelque 126 millions de médicaments falsifiés ou illicites ont été saisis lors de l’opération menée entre le 5 et 14 septembre 2016 dans seize ports africains. Sur les 243 conteneurs inspectés, 150 contenaient des produits non conformes. 75 % venaient d’Inde et 25 % de Chine. Le Nigeria (35 %) et le Bénin (26 %) ressortent comme les deux principales portes d’entrée sur le continent. Il s’agit de la quatrième opération d’interception de l’OMD depuis le lancement du programme commun avec l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRACM) en 2012. Au total, près de 900 millions de médicaments d’une valeur estimée à 400 millions d’euros ont été confisqués au cours de ces quatre années.

La contrefaçon cible les pathologies les plus courantes
Source : Organisation mondiale des douanes

Ces médicaments ciblent les pathologies les plus répandues, en particulier le paludisme. « Cette invasion se déroule en silence et vise les populations les plus défavorisées. Non seulement ces faux médicaments sont la cause de centaines de milliers de décès, mais ils sont aussi responsables du développement de résistances à certains traitements », déplore le diplomate Jean-David Levitte, président du conseil d’administration de l’IRACM. Il estime que les faux médicaments représentent un tiers du marché en Afrique.

L’inertie des pouvoirs publics et l’absence de dispositif législatif réellement punitif laissent le champ libre aux réseaux de criminalité organisée. « Les criminels connaissent les failles du droit. Ils savent par exemple que, dans beaucoup de pays, le douanier ne peut pas ouvrir le conteneur pour le contrôler si l’importateur n’est pas présent », explique Ana Hinojasa, de l’OMD.

En l’absence d’une convention internationale contraignante que celle adoptée pour lutter contre le trafic de drogues, les magistrats se trouvent de toute façon dépourvus de moyens pour démanteler les filières. « Jusqu’à présent, nos saisies ont rarement débouché sur des poursuites », reconnaît Bernard Leroy, directeur de l’IRACM et ancien juge spécialisé dans les trafics de stupéfiants. Quelques pays dont le Cameroun, le Bénin et la Côte d’Ivoire se sont cependant engagés dans une réforme de leur arsenal législatif.

Reste un obstacle financier : l’analyse d’un comprimé coûte en moyenne 5 euros et un Truscan, l’appareil utilisé dans les pays industrialisés pour détecter les faux médicaments, 40 000 euros. Aucun des pays de la région n’a les moyens d’acquérir ces équipements.