Baptisé Ansaroul Islam, le groupe terroriste burkinabé dirigé par Ibrahim Malam Dicko fait monter la pression au nord du pays.

Depuis l’attentat qui avait frappé Ouagadougou le 15 janvier 2016, le « pays des hommes intègres » n’est plus épargné par la menace terroriste. En un an, les forces de sécurité basées dans le Sahel burkinabé ont fait l’objet de six attaques, tuant une vingtaine d’hommes.

La plus meurtrière date du 16 décembre de la même année : douze militaires sont tués dans l’attaque du détachement de Nassoumbou, un village situé à 45 km de Djibo, l’une des principales villes du nord du Burkina Faso.

Ibrahim Malam Dicko dans le viseur

Les assaillants sont plus nombreux que lors des attaques précédentes, entre trente et quarante selon les sources. Dix jours plus tard, une revendication tombe sur la page Facebook d’un groupe qui, jusque-là, était inconnu des autorités : Ansaroul Islam. Mais celui qui se présente comme son chef, Ibrahim Malam Dicko, ne leur est pas étranger.

Burkinabé originaire des environs de Djibo, « Malam » était, comme d’autres prêcheurs radicaux, dans le viseur des autorités depuis plusieurs années. L’homme est alors numéro un de l’organisation religieuse Al-Irchad, basée dans la province du Soum.

« Les services de sécurité ont fait des rapports sur ce groupe. Mais certains de ses membres n’ont pas été assez pris au sérieux, regrette une source militaire. Ils en ont donc profité pour avancer leurs pions. »

Le groupe se fait véritablement connaître lors d’un règlement de comptes intervenu en son sein dans la nuit du 12 au 13 novembre 2016. A Djibo, l’imam Amidou Tamboura, ex-membre d’Al-Irchad, est tué par deux assaillants. « Nous pensons que sa mort a été orchestrée par Malam. Malam voulait recruter des jeunes, Amidou Tamboura a refusé. Il voulait seulement prêcher », poursuit notre source.

Depuis son retour du Mali courant 2015, Malam est de plus en plus isolé au sein d’Al-Irchad. Son discours est jugé trop violent par certains de ses membres. Au Mali et au Burkina Faso, les liens entre Malam et le prêcheur radical Amadou Koufa, membre du Front de libération du Macina (FLM), ne sont un secret pour personne.

Selon plusieurs sources sécuritaires burkinabées, ce sont ces divergences et l’isolement croissant de Malam qui ont poussé ce dernier à créer son propre groupe, Ansaroul Islam.

Faire reculer l’Etat et monter en grade

Les forces de sécurité lui attribuent la double attaque et la tentative d’enlèvement survenue à Djibo dans la nuit du 1er janvier : un homme réussit à prendre la fuite, la tentative d’enlèvement échoue et un imam est tué.

Mais les autorités prêtent au prédicateur des ambitions bien plus grandes. « Pour l’instant, il cherche à faire reculer l’Etat au nord pour montrer aux populations que les forces de défense ne sont pas capables d’assurer leur sécurité. C’est pour cela que le groupe ne cible pas les populations », précise une source sécuritaire. Mais Malam veut monter en grade dans le but d’être adoubé par des structures terroristes plus importantes. On pense qu’il cherche à faire un grand coup à Ouagadougou. »

Face à la recrudescence des attaques au nord, le ministère de la défense a lancé l’opération militaire « Séguéré » fin novembre 2016. Composée de près de 200 hommes, elle devait s’achever en décembre mais est toujours en cours. Un bataillon a été envoyé en renfort.

Mais « Séguéré », déployée dans la zone de Djibo, ne suffira pas à protéger les mille kilomètres de frontière avec le Mali. Le président Kaboré et son ministre de la sécurité, Simon Compaoré, ont multiplié les déclarations pour annoncer que des moyens supplémentaires allaient être alloués aux forces basées au nord. « Rien ne vient », affirment pourtant plusieurs militaires, sous couvert d’anonymat.

Pour Jean-Pierre Bayala, colonel à la retraite spécialiste des questions sécuritaires, la formation des forces armées pose également problème : « Les hommes envoyés au nord n’ont pas d’entraînement anti-terroriste. Ceux qui ont été tués récemment sont des enfants qui n’ont que quelques mois de service derrière eux. Qui dit zone rouge dit zone de guerre, et je ne crois pas que les autorités l’ait suffisamment compris. »

Pourtant, les problématiques auxquelles l’Etat est confronté dans sa partie nord ont été pointées du doigt dès 2012 dans un rapport dirigé par l’Institut danois des droits de l’homme (IDDH) en partenariat avec le ministère de la justice. « Le manque de moyens en ressources humaines, matérielles et d’infrastructures est très prononcé au niveau des forces de défense et de sécurité. Concernant ces forces de défense et de sécurité, le ratio de surveillance sécurité de 2 398 habitants par agent est assez éloquent », précisaient les auteurs du rapport Jean-Pierre Bayala, Kassoum Kambou et Wilfried Bassolé.

Montée de l’insécurité et du sentiment d’abandon des populations, pauvreté, recrutements terroristes : les auteurs décrivaient une situation qui pourrait devenir explosive si rien n’était fait. Cinq ans plus tard, la bombe est amorcée.