2 000 adolescents ont postulé en 24 heures pour passer le casting de la troisième saison. | NRK

Au début, les profs ont râlé. Impossible d’obtenir l’attention des élèves norvégiens quand un clip de la série Skam (« honte », en français) apparaissait en ligne, sans prévenir. Puis, ils s’y sont faits. Un an et demi que cela dure. Et l’hystérie collective ne faiblit pas : lors de l’ouverture du casting pour la troisième saison, la production a reçu plus de 2 000 candidatures en moins de vingt-quatre heures. Quand un des acteurs principaux a annoncé qu’il arrêtait, tous les médias du royaume en ont parlé. Chaque jour, le blog de la série enregistre 300 000 visites. La production y poste les vidéos, à l’heure exacte où l’action se déroule. À la fin de la semaine, les clips sont montés bout à bout, pour former un épisode de vingt à trente minutes, diffusé sur la chaîne jeunesse du groupe audiovisuel NRK. Depuis le début de la troisième saison, chaque épisode rassemble environ 620 000 spectateurs, dans un pays qui compte à peine plus de 5 millions d’habitants.

L’origine de cet emballement ? Un scénario tout ce qu’il y a de plus traditionnel – en tout cas sur le papier. La série suit un groupe d’ados qui vient d’entrer dans un lycée d’une banlieue cossue d’Oslo. Leur vie oscille entre l’école et les fêtes du week-end. Ils fument, boivent, draguent… Le tout rythmé par une bande-son qui décoiffe : 150 titres, de Lana Del Rey au Velvet Underground, en passant par Justin Bieber et Sigur Rós. Les adultes, trop préoccupés par leur propre vie, sont complètement absents.

Ni profs ni parents

Pas de profs, ni de parents pour offrir un autre point de vue. Juste des jeunes présentés dans leur quotidien, sans mépris ni morale, avec leurs passions, angoisses et questions. Skam dresse le portrait d’une génération sous pression. Tous les thèmes y sont évoqués sans fard. Pour être au plus proche de la jeunesse actuelle, l’équipe de production de Skam a réalisé une cinquantaine d’entretiens en profondeur avec des ados de tout le pays.

Le quotidien « Politiken » a couronné « Skam » « meilleure série du monde pour la jeunesse ».

Le défi : séduire les 15-16 ans. Un public difficile, assure la productrice Marianne Furevold : « Ils ont à leur disposition énormément de contenus et zappent dès que cela ne les intéresse plus. » Il fallait trouver le ton juste, les retrouver sur leur propre terrain. NRK a donc renoncé aux campagnes de publicité classiques et investi les réseaux sociaux. Chaque personnage dispose d’un compte Instagram, régulièrement actualisé. Leurs échanges SMS sont publiés sur le blog de la série, où ils suscitent chaque fois plusieurs centaines de commentaires.

Mais ce succès n’est pas cantonné à la Norvège : certaines semaines, les connexions au blog proviennent à 65 % de l’étranger (1 % de France). Les fans proposent des traductions en plusieurs langues, dont l’anglais, quelques heures seulement après la diffusion des vidéos. Certaines expressions, intraduisibles, sont déjà passées dans le langage courant d’ados de la région, au point que la série a été honorée, début décembre 2016, du Prix de la langue nordique, remis par l’organisation Norden, qui œuvre aux échanges en Scandinavie.

Lire aussi : « Skam » - Les ados tels qu’eux-mêmes sur le blog Le monde des séries

Le Danemark, la Suède, l’Islande et la Finlande en ont racheté les droits. Poussée par ses jeunes téléspectateurs, la chaîne suédoise SVT s’est engagée à avancer la diffusion de la seconde saison. Au Danemark, le très sérieux quotidien Politiken a couronné Skam « meilleure série du monde pour la jeunesse ». Même les Américains sont sous le charme : le producteur Simon Fuller (« Pop Idol », « So you think you can dance… ») vient d’annoncer qu’il en préparait un remake pour 2017.

La bande-anonce des trois saisons de « Skam »

SKAM all seasons trailers
Durée : 05:20