Bankia a été contraint de verser plus de 2 milliards d’euros à ses clients pour les dédommager des « actions préférentielles », ces instruments financiers complexes présentés à de petits épargnants comme des placements sûrs. | DOMINIQUE FAGET / AFP

C’est un nouveau coup de massue pour le secteur bancaire espagnol, qui pourrait devoir rembourser dans les quatre prochains mois 4,2 milliards d’euros à 1,5 million de clients. Vendredi 20 janvier, le gouvernement espagnol a en effet annoncé un décret-loi imposant aux banques un mécanisme de résolution extrajudiciaire des plaintes pour les « clauses planchers » massivement appliquées entre 2009 et 2013.

Ces clauses peu transparentes, qui limitaient la baisse des taux d’intérêt sur les crédits immobiliers indexés sur l’Euribor (taux interbancaire utilisé dans la zone euro), ont été jugées abusives par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). L’institution a imposé le remboursement rétroactif des sommes indûment perçues, dans un arrêt rendu le 21 décembre 2016.

Madrid a imposé aux banques d’informer les clients concernés par ces clauses d’ici un mois.

Pour limiter le recours à la voie judiciaire et éviter un prévisible engorgement des tribunaux, Madrid a imposé aux banques d’informer les clients concernés par ces clauses d’ici un mois, et de leur proposer une indemnité, versée dans les trois mois suivants.

Pour la banque, l’avantage est de pouvoir négocier le montant avec le client, de « proposer des mesures compensatoires », selon le ministre de l’économie, Luis de Guindos, et d’éviter le paiement de frais de justice. Quant au consommateur, il est assuré de percevoir les indemnités dans un délai beaucoup plus court que les dix-huit mois que dure en moyenne un processus judiciaire. S’il n’est pas convaincu par l’offre de la banque, il peut toujours porter plainte, mais si le montant dicté par le juge est inférieur à ce que l’établissement financier lui propose, les frais de justice seront à sa charge. Dans le cas contraire, c’est la banque qui devra payer.

Mulptiplication des plaintes

Pour l’Association espagnole de la banque (AEB), le décret du gouvernement impose des conditions « très exigeantes ». Même si son président, José Maria Roldan, considère que le montant des indemnités que devraient verser les établissements financiers se limitera entre « 2 et 3 milliards d’euros » – soit bien moins que les 4,2 milliards estimés par la Banque d’Espagne –, il reconnaît un « impact fort sur les résultats ».

Des résultats qui devraient aussi être touchés, dans une moindre mesure, par la décision du Tribunal suprême espagnol de considérer comme abusifs les frais de constitution des prêts immobiliers (notaire, inscription au registre de la propriété ou encore impôt des actes juridiques documentés). Le tribunal a considéré que ces frais, jusqu’à présent intégralement à la charge du client, qui s’élèvent à 3 000 euros environ pour un crédit de 150 000 euros, devraient être partagés avec l’établissement financier. L’Organisation de consommateurs et utilisateurs (OCU) estime que les frais versés à tort par les clients représentent 1,5 milliard d’euros.

Le secteur bancaire espagnol est dans la ligne de mire de la justice depuis le début de la crise pour d’autres pratiques abusives. Bankia, qui a été nationalisée en 2012 pour éviter la faillite, a ainsi dû rembourser plus de 2 milliards d’euros à ses clients pour les dédommager des « actions préférentielles », ces instruments financiers complexes présentés à de petits épargnants comme des placements sûrs. Mais l’établissement risque de payer la même somme si son entrée en Bourse est jugée frauduleuse, lors du procès attendu cette année.

Néanmoins, conscient de la très mauvaise image des banques en Espagne, le ministre de l’économie a défendu que « si 78 % des familles en Espagne sont propriétaires de leur logement, soit dix points de plus que la moyenne européenne, c’est tout de même que le système a bien fonctionné pour faciliter l’accès à un bien immobilier ».

Cependant, face à la multiplication des plaintes de consommateurs, il a annoncé que prochainement sera élaborée « une nouvelle loi pour renforcer la transparence, favoriser les données précontractuelles et établir très clairement les informations qu’il faut donner aux clients. »