Marine Le Pen n’aime pas être comparée à Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, comme le chef de file de la France insoumise, la présidente du Front national ne cesse d’invoquer des personnalités ou des partis politiques étrangers pour tenter de s’inscrire dans leur sillage.

M. Mélenchon a successivement revendiqué des attaches avec Die Linke en Allemagne, Hugo Chavez au Venezuela, Syriza en Grèce ou Podemos en Espagne. Mme Le Pen, de son côté, a encouragé Norbert Hofer, candidat du FPÖ à la présidentielle autrichienne, s’est réjouie de l’élection de Donald Trump comme président des Etats-Unis, ou a applaudi la décision de la première ministre britannique Theresa May d’opter pour un « hard Brexit ». Autant de responsables de premier plan dont la députée européenne se revendique pour mieux asseoir sa « présidentialité » et tenter de rompre son isolement sur la scène internationale.

La conférence du groupe Europe des nations et des libertés (ENL), à laquelle la candidate à la présidentielle participe, samedi 21 janvier, à Coblence, en Allemagne, s’inscrit dans cet objectif. Seront présents, notamment, la Ligue du nord italienne, le FPÖ autrichien – sans son président Heinz-Christian Strache, qui s’est fait porter pâle, et dont les troupes s’interrogent sur l’opportunité de s’afficher avec le FN –, et le PVV néerlandais dirigé par Geert Wilders.

Rapprochement laborieux

La réunion se tient au lendemain de l’investiture de M. Trump, et doit dessiner le virage conservateur et populiste du Vieux continent, que ses participants espèrent traduire dans les urnes en 2017. Les Pays-Bas et l’Allemagne votent pour des élections législatives, respectivement en mars et septembre, et la France élit un nouveau président en mai. « Nous allons dessiner l’Europe que nous souhaitons, qui est très différente de celle que nous subissons », veut croire Marine Le Pen.

A trois mois du premier tour de la présidentielle, la présidente du FN va s’afficher pour la première fois au côté de Frauke Petry, coprésidente de l’AfD. Ce jeune parti anti-euro et anti-immigration, lancé en 2013 par des notables et quelques économistes, taille des croupières au sein de la droite à la chancelière Angela Merkel (CDU).

Le rapprochement de cette formation avec le FN reste laborieux, tant le parti cofondé par Jean-Marie Le Pen – qui n’a pas d’allié outre-Rhin – conserve une image radicale à l’étranger. Et l’intransigeance de Marine Le Pen dans son combat contre l’Union européenne pose aussi question, dans un pays où l’opinion publique reste favorable à l’UE. Mais l’image délivrée samedi doit donner un coup d’accélérateur à leurs relations.

« La réunion de Coblence représente le marché actuel des droites européennes, note l’historien Nicolas Lebourg, auteur, avec Jean-Yves Camus, du livre Les Droites extrêmes en Europe (Seuil). L’AfD, c’est une droite qui se radicalise sans fin, et Marine Le Pen leur est utile car elle représente un marqueur face à Angela Merkel. Marine Le Pen, de son côté, s’affiche avec une droite supposément gestionnaire. Le FN se trouve à un carrefour idéologique en Europe : l’extrême droite qui veut se normaliser fait comme lui, et la droite qui se radicalise va vers le FN. »

Position périphérique

Ce qui conduit certains, au sein de l’AfD, à aller encore plus loin que le FN mariniste. Björn Höcke, responsable du parti en Thüringe, a estimé, mardi, que le mémorial de la Shoah érigé à Berlin représentait un « monument de la honte », et a appelé les Allemands à « un virage à 180° de notre politique de mémoire ».

Ces derniers jours, Mme Le Pen a assuré que Donald Trump et Theresa May étaient « en train de mettre en place le programme de Marine Le Pen ». Ou comment tenter de rassurer à peu de frais l’électorat français, en se plaçant sur le même plan que deux chefs d’Etat et de gouvernements étrangers.

« Elle commet une erreur d’analyse en se réclamant d’eux, estime Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès. Jean-Luc Mélenchon pouvait se réclamer de Podemos ou Syriza, des mouvements de gauche relativement neufs. Mais le Brexit n’est pas l’œuvre du seul UKIP de Nigel Farage, loin de là. L’électorat favorable à la sortie de l’Union européenne, au Royaume-Uni, est hétérogène socialement et politiquement, il va loin dans le Parti conservateur. Et Trump n’a pas d’équivalent avec les partis présents à Coblence, il a fait campagne avec une partie de l’establishment républicain. Ce n’est pas un outsider, comme l’AfD ou la Ligue du Nord italienne. »

Boudée à l’étranger

Cette position périphérique se ressent durement pour Marine Le Pen lorsqu’elle effectue des voyages à l’étranger, en dehors du cercle de ses alliés européens. La députée européenne ne s’est pas rendue au Royaume-Uni pendant la campagne référendaire sur le Brexit, en 2016, après que l’hypothèse de sa venue a suscité une levée de boucliers outre-Manche. Son déplacement au Québec, en mars 2016, s’est soldé par un échec, puisqu’elle a été boudée par les responsables politiques locaux, et étrillée par une partie de la presse sur place.

De sa récente venue soi-disant « privée » à New York, le 12 janvier, il ne ressort de plus que la photo un peu floue, sur les réseaux sociaux, d’une responsable politique française attablée à un café de la « Trump Tower », sans la perspective d’une rencontre avec le propriétaire des lieux. Sur place, la présidente du FN a été guidée dans les réseaux new-yorkais, comme l’a révélé Libération, par l’ancien député FN (1986-1988) Pierre Ceyrac, un vieux compagnon de son père, Jean-Marie Le Pen. Pas de quoi donner l’image d’une dynamique irrésistible.