« Une sanction et une récompense. » C’est la formule qu’a choisie Denis Pouget pour qualifier sa participation au premier tour de la primaire organisée par le Parti socialiste, dimanche 22 janvier. « Je viens sanctionner les frondeurs qui ont emmerdé Hollande pendant cinq ans et récompenser celui qui est resté et a travaillé », explique ce Corrézien de 69 ans qui s’apprête à voter pour l’ancien premier ministre, Manuel Valls. A Tulle, deux bureaux de vote sont installés dans la salle municipale Laurent-Marie.

Depuis l’ouverture du bureau, à 9 heures, des Tullistes d’un certain âge se succèdent sans embouteillage pour mettre leur bulletin dans l’urne. Dans le fief de François Hollande, qui a renoncé à se présenter à sa succession le 1er décembre, le scrutin a une résonance particulière. « Il n’a pas tout bien fait, poursuit M. Pouget, mais la tâche n’a pas été facile pour lui, entre l’actualité et ses proches qui n’ont pas arrêté de le démolir. »

« Je regrette Hollande, et d’autres le regretteront plus tard », Yannick Le Bail, 63 ans, en est persuadé. Lui aussi a choisi Manuel Valls, perçu ici comme un « fidèle » par opposition aux frondeurs du PS. Pour Josy, militante socialiste de 60 ans, aujourd’hui assesseuse : « ici, tout le monde se sent orphelin. » Un journaliste local qui a l’habitude de couvrir les élections à Tulle évoque même « le fantôme de François Hollande qui flotte dans le bureau de vote ». Il faut dire que c’est précisément ici que le président vote ou aurait voté, s’il n’avait été en déplacement au Chili.

Pas de vote « coup de cœur »

Mais le « fantôme » ne flotte pas au-dessus de tous les électeurs. « Je ne regrette pas qu’il n’y aille pas, car son bilan n’est pas satisfaisant. » Pour Marjolaine Tharaud, 26 ans, le chef de l’Etat « n’a pas été à la hauteur ». « Sa non-candidature rebat les cartes de l’élection, mais je ne vois pas comment il aurait pu se représenter », estime encore Rémi, 71 ans.

Force est de constater toutefois qu’en son absence les électeurs qui se sont déplacés aujourd’hui viennent voter sans réel engouement en faveur d’un candidat en particulier. Tous ou presque évoquent leur « devoir » de se rendre aux urnes comme motivation première.

Marjolaine Tharaud a voté pour Benoît Hamon, mais il ne s’agit pas d’un « vote coup de cœur ». Julia, 32 ans, se dit « un peu déçue par la campagne ». Elle ne dévoilera pas son vote mais confie qu’elle n’a « pas forcément trouvé tout ce qu’elle voulait » chez les candidats. Marcel est venu parce qu’il est « socialiste » et « pour ne pas faire rigoler la droite ». Après le succès de la primaire qui a désigné François Fillon, il est important pour lui de montrer que la gauche aussi est mobilisée.

« On verra ce qui sortira ! »

En début d’après-midi, une courte file d’attente se forme à nouveau progressivement à l’entrée du bureau après le creux de la pause déjeuner. Mais, sans surprise, la participation est clairement bien inférieure à celle de 2011, quand François Hollande, « que la moitié de la ville tutoie », était candidat à la primaire socialiste. « C’est plus triste » cette fois, concède Karim Maatoug, premier secrétaire fédéral du PS en Corrèze qui fait le tour des bureaux du département.

« La salle était bondée », se souvient Guy Delmas, conseiller municipal à Tulle et assesseur ce matin. « Mais on était sur un schéma totalement différent, donc, la participation est plutôt conforme à nos attentes. » Et puis François Hollande n’a appelé à voter pour personne, ce qui explique pourquoi les Tullistes ne sont pas « jetés » sur un seul candidat selon lui. Il ne se risquera pas à faire de pronostics. « Etant donné le passé communiste de la ville, on pourrait s’attendre à ce que l’aile gauche du parti l’emporte, mais au fond, qui sait ? »

Parmi les Tullistes rencontrés ce matin, certains envisagent d’ores et déjà de ne pas voter pour le candidat socialiste au premier tour de la présidentielle en fonction du résultat de la primaire : « On verra ce qui sortira ! » D’autres ont déjà pris leur décision. Après avoir « sanctionné et récompensé », Denis Pouget confie que c’est probablement Emmanuel Macron qui aura son bulletin au mois d’avril.