Son histoire ressemble de loin à celle de son cousin lusophone cap-verdien, sorti de l’anonymat au début de la décennie avec deux qualifications pour les CAN 2013 ou 2015. Ou à celle de l’Islande, un ancien petit du football européen et récent quart-de-finaliste de l’Euro 2016. Mais les comparaisons s’arrêtent là.

Alors que les insulaires récoltaient le fruit d’un long travail de fond, la Guinée-Bissau s’en remet surtout au travail de son sélectionneur Baciro Candé et à la qualité de ses joueurs, plutôt qu’à un soutien logistique et financier de l’Etat pour fricoter avec les virtuoses du football africain.

« Solidarité entre les joueurs »

La Guinée-Bissau, avant de valider sa présence en phase finale, brillait surtout par sa discrétion. Elle a attendu 1992 pour s’engager dans les qualifications de la CAN (édition 1994), sans toujours faire preuve de régularité : elle a parfois renoncé au dernier moment ou en cours de route, et il lui est même arrivé d’être exclue des éliminatoires par la Confédération africaine de football. « Malgré cela, je ne suis pas étonné par ce que cette sélection a réalisé depuis le début de la CAN », explique Pierre Lechantre, l’ancien sélectionneur du Congo, qui a affronté les Djurtus en qualifications. Au match retour à Brazzaville (1-0), la Guinée-Bissau était déjà assurée d’aller à la CAN. « Ce qui m’avait interpellé, ajoute-t-il, c’est la solidarité qui existe entre les joueurs. Ce ne sont pas les plus talentueux mais ils ont un esprit collectif. J’ai senti aussi une relation très forte entre eux et leur sélectionneur, Candé », qui a dû remplacer lors des qualifications Manuel Torres, coupable d’avoir agressé le corps arbitral lors d’un match contre la Zambie.

Pour s’inviter au grand raout du football africain, les Djurtus ont éliminé le Congo, la Zambie et le Kenya, qui pèsent à eux trois vingt-neuf phases finales et deux titres (Congo et Zambie). « Ils ont des joueurs qui sont professionnels en Europe, qu’on ne retrouve certes pas dans de gros clubs, mais qui ont des qualités et un super état d’esprit. Reste à savoir si cela perdurera », poursuit Pierre Lechantre.

« Manque de moyens et désorganisation »

Si aucun international n’évolue au pays, où beaucoup sont nés, la plupart sont éparpillés en Europe (Norvège, Roumanie, Grèce, Espagne, Turquie et Italie) et bien évidemment au Portugal. Certains ont même joué pour les sélections portugaises dans les catégories de jeunes (Silva et Abel Camara), et d’autres ont vu le jour en France (Frédéric Mendy) ou au Sénégal (Pape Fall et Emmanuel Mendy). « Il y a encore peu de temps, les joueurs ne voulaient pas venir en sélection, refroidis par le manque de moyens et la désorganisation. Il n’était pas rare qu’ils paient leurs billets d’avion pour venir jouer en sélection, sans jamais être remboursés », explique un proche de la fédération sous couvert d’anonymat.

Car cette qualification inattendue pour la CAN n’a pas fait disparaître tous les problèmes qui escortent le quotidien de la sélection. « Elle dépend entièrement du gouvernement. Mais alors que la qualification a été obtenue avant la dernière journée des éliminatoires, la préparation des Djurtus pour la phase finale a été compliquée. Ils n’ont joué aucun match amical lors des dates FIFA d’octobre et novembre 2016, et rien avant la CAN, alors qu’il y avait des possibilités. Tout est compliqué, et les joueurs sont restés en stage à Bissau. L’argent a été débloqué tardivement. Il y avait la possibilité d’effectuer un stage au Portugal, où beaucoup d’internationaux évoluent, mais cela n’a pas été possible », poursuit cette source.

La Guinée-Bissau, considérée comme un narco-Etat par une grande partie de la communauté internationale, traverse une crise politique et économique depuis des mois. José Mario Vaz, le président de la République élu en 2014, a révélé début janvier que 100 millions d’euros avaient été détournées par son ancien gouvernement.