Theresa May, le 9 janvier à Londres. | DAN KITWOOD/ REUTERS

L’affaire tombe mal pour Theresa May, à quelques jours de sa première rencontre – très attendue au Royaume-Uni – vendredi à Washington avec le nouveau président américain. Un essai de tir de missile nucléaire britannique a souffert d’une « grave défaillance », a affirmé dimanche 22 janvier le Sunday Times.

Non armé, le missile Trident II D5 tiré en juin depuis le sous-marin HMS Vengeance au large de la Floride (9 000 km) s’est dirigé… vers les côtes américaines, et non, comme prévu, vers l’Atlantique en direction du continent africain, a affirmé l’hebdomadaire. « L’échec désastreux de notre premier test nucléaire en quatre ans a fait souffler un vent de panique au plus haut niveau gouvernemental et militaire », soulignait le haut responsable de la Royal Navy cité par le Sunday Times.

Des explications en urgence du ministère de la défense

L’affaire a pris de l’ampleur lorsque, à la BBC, dimanche, la première ministre a refusé à quatre reprises de répondre à la question de savoir si elle était au courant. Devant les protestations de députés, le ministre de la défense, Michael Fallon, a dû venir s’expliquer en urgence devant les Communes lundi après-midi. Il a affirmé que le sous-marin Vengeance, qui faisait alors l’objet d’essais après sa modernisation, avait été « testé avec succès » et que « la capacité et l’efficacité de la dissuasion nucléaire indépendante du Royaume-Uni ne sont pas mises en doute ».

Au même moment, CNN citait un officiel américain anonyme qui confirmait l’incident. Selon ce dernier, le missile a été détourné vers l’océan pour être détruit, en vertu d’une procédure automatique en cas de dysfonctionnement. Selon la BBC, la Royal Navy, qui possède quatre sous-marins lanceurs d’engins, a effectué une demi-douzaine d’essais de ce genre depuis 2000, rendant public à chaque fois son succès, sauf cette fois-ci. Chaque missile coûte 17 millions de livres (19,8 millions euros).

Réactions des opposants à l’armement nucléaire

L’histoire est politiquement délicate car si l’incident a eu lieu en juin, alors que David Cameron était encore premier ministre, Theresa May lui avait succédé au début de juillet lorsque le Parlement a débattu et approuvé le renouvellement de la force de frappe nucléaire britannique, baptisée « Trident ». Selon Julian Lewis, le président (conservateur) de la commission parlementaire de la défense, Mme May a hérité d’une « situation sans issue » de M. Cameron dont les conseillers avaient étouffé l’incident. Lundi, Mme May a reconnu à demi-mot avoir été « briefée ». « J’ai été informée du succès de la certification du HMS Vengeance », a-t-elle déclaré.

La ministre de la défense du cabinet fantôme de l’opposition, Nia Griffith, a dénoncé « un manque de transparence » tandis que Kate Hudson, leader de la campagne pour un désarmement nucléaire, a estimé qu’« on ne peut pas faire confiance au gouvernement pour dire aux députés et au grand public la vérité sur cette crise ». De son côté, la première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, opposée de longue date à la force nucléaire dont les sous-marins sont basés en Ecosse, a qualifié la présumée erreur de tir de « question extrêmement grave ».

Le paradoxe est que la révélation de l’incident n’aurait probablement pas empêché le vote du renouvellement de « Trident », dossier sur lequel existe une forte majorité incluant la plus grande partie des élus du Labour. La question, qui fait l’unanimité chez les conservateurs, divise au contraire radicalement les travaillistes. Sur 230 députés du Labour, 47 avaient refusé les crédits de la force de frappe, y compris son leader, Jeremy Corbyn.