C’était un test important, mais la haie a été franchie avec succès. Le CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, a été approuvé par la commission Trade du Parlement européen, mardi 24 janvier (25 votes pour, 15 contre et 1 abstention). Il faudra attendre le vote en plénière, pour l’instant programmé mi-février, pour que la ratification de l’hémicycle strasbourgeois soit complète. Mais d’ores et déjà, la droite européenne (les conservateurs alliés aux libéraux), très en faveur de l’accord, veut croire que le plus dur est fait.

Pour emporter le vote de mardi, les thuriféraires du CETA n’ont pas hésité à invoquer le contexte international, il est vrai instable et inquiétant. Les Etats-Unis de Trump ont abandonné des décennies de doctrine libre-échangiste lundi 23 janvier en se retirant de l’accord transpacifique. Ils veulent en outre renégocier l’accord nord américain Alena avec le Mexique et le Canada, rendant plus pressante encore pour Ottawa la signature du CETA avec Bruxelles.

« Il est plus important que jamais que nous ratifions cet accord sans délai. Nous devons forger des alliances avec le Canada et d’autres partenaires dans le monde. L’Union européenne et le Canada doivent travailler de concert pour consolider le système de décisions multilatéral », a déclaré le Belge Guy Verhofstadt, chef de file des libéraux à Strasbourg.

« Affirmer notre identité d’Européens »

« Ratifier le CETA est une manière d’affirmer notre identité d’Européens, qui demeurons ouverts sur le monde à un moment crucial », avance l’eurodéputé roumain Sorin Moisa, le rapporteur social-démocrate du CETA en commission Trade. « Si on ne signe pas avec les Canadiens, ils se rapprocheront des Japonais ou d’un autre pays », s’inquiète l’élu.

Le CETA, négocié pendant cinq longues années par la Commission européenne et Ottawa, a bien failli capoter à l’automne 2016, quand le Parlement wallon a fait barrage (il devait se prononcer avant le feu vert du Royaume de Belgique). Après un intense bras de fer entre Bruxelles, le gouvernement Trudeau et le socialiste Paul Magnette, président de la région Wallonne, l’accord a finalement été amendé, avec des garanties supplémentaires concernant le respect des normes environnementales, les services publics, ou l’indépendance des tribunaux d’arbitrage (censés trancher les futurs conflits entre les Etats et les multinationales).

Les occasions de sortie de route restent nombreuses

Si la ratification en plénière à Strasbourg dans les semaines qui viennent ouvre la voie à la mise en application provisoire du CETA (peut-être dès le mois de mars), il ne sera pas définitivement ratifié tant qu’il n’aura pas reçu le feu vert de l’ensemble des Parlements nationaux de l’Union européenne. Les occasions de sortie de route restent nombreuses.

L’accord suscite encore la forte opposition d’une partie de l’échiquier politique européen et la suspicion des opinions publiques, notamment en France et en Allemagne. Les Verts et l’extrême gauche sont clairement contre à Strasbourg. Et les sociaux-démocrates sont divisés. Les Allemands et les Italiens n’ont rien contre, les eurodéputés socialistes français, si…

« Même si le CETA n’est pas le TTIP – [le traité de libre-échange avec les États-Unis, désormais enterré] – il reste inacceptable pour nous : au même titre que l’ISDS – les fameux tribunaux d’arbitrage privés –, la question de la coopération réglementaire constitue une vraie menace sur nos démocraties », expliquent-ils dans un communiqué de presse. « Dans un monde instable et un contexte international tendu, nous attachons beaucoup de prix à la qualité de notre relation avec le Canada et nous renouvelons notre message d’amitié à Justin Trudeau, qui peut comprendre notre décision : l’intérêt des citoyens passe avant ! », ajoutent-ils.