En France, plus de 8 millions de personnes consacrent du temps à s’occuper d’un proche. | Delphine Lebourgeois

Lorsque l’on m’a annoncé que mon mari était atteint de la maladie d’Alzheimer, c’est toute ma vie qui a basculé ! Le médecin s’est occupé de lui. Mais moi, en tant qu’aidante, je me suis retrouvée seule. Je ne ­savais pas vers qui me tourner ! », se souvient Georgette Laroche, 80 ans, dont l’époux ­décédera six ans plus tard.

Ils seraient plus de 8 millions de personnes en France à consacrer du temps à s’occuper d’un proche (parent, femme, mari) dépendant ou handicapé. « Cette présence quotidienne aux côtés du malade est physiquement et psycho­logiquement éprouvante pour l’aidant, d’autant plus que certaines maladies évoluent pendant dix, voire douze ans. C’est dur à ­vivre », souligne Florence Leduc, présidente de l’Association française des aidants (AFA). « Or, si le proche s’épuise et s’étiole, c’est la santé de ce dernier qui est en danger. C’est par conséquent le maintien à domicile de la personne ­dépendante qui est remis en cause. D’où l’intérêt de se préoccuper du soutien à l’aidant », affirme Claudie Kulak, fondatrice de la Compagnie des aidants.

Rompre l’isolement

« Dès l’annonce de la maladie de ma femme, un corps de Lewy, j’ai stoppé mon activité de consultant indépendant pour m’occuper d’elle. C’était nécessaire pour coordonner les soins et les aides. Très vite, j’ai éprouvé le besoin de rencontrer des personnes qui vivaient la même épreuve. Le partage d’expériences m’a remonté le moral et m’a aidé à tenir », raconte ­Philippe de Linares. Rompre l’isolement est l’un des conseils donnés aux aidants afin de supporter le quotidien et admettre l’évolution irréversible de la maladie. « C’est en me rendant à un salon sur la dépendance que j’ai trouvé des adresses d’associations près de chez moi. Cela m’a aidée à organiser le maintien à domicile de ma mère et à vivre cette période douloureuse », témoigne Anne Collot.

Si certains retraités ont du temps à consacrer à leur proche atteint d’une sclérose en plaques, d’un Parkinson ou d’un Alzheimer, les actifs doivent jongler avec leur emploi du temps. « En plus de m’occuper de ma mère, je dois gérer ma vie au bureau et ma vie de famille avec mari et enfants. C’est dur de tout concilier », reconnaît Anne Collot.

« J’ai très vite éprouvé le besoin de rencontrer des personnes qui vivaient la même épreuve »
Philippe de Linares
aidant

Collectifs et associations sont de plus en plus nombreux à proposer diverses formes de soutiens à ceux qui sont en première ligne. « En tant qu’époux ou enfant, l’aidant pense que c’est son devoir d’assumer tout et tout seul. C’est faux ! Il a toujours besoin d’informations, d’aide psychologique ou encore de rencontrer du monde », affirme Nathalie Quaeybeur, directrice des Maisons des aidants de la métropole Lille-Roubaix-Tourcoing. Pour répondre à ces ­attentes, ces structures organisent des conférences et des groupes de paroles. Certaines proposent des journées de formation gratuites pour parler de l’évolution de la maladie ou présenter les aides existantes et les dispositions (juridique, financière) à prendre. Il peut y être aussi question des comportements à adopter face à un proche qui perd la mémoire. « J’ai suivi une telle ­formation. Cela m’a beaucoup ­apporté dans la nouvelle relation avec ma mère qui parfois ne me ­reconnaissait plus », confie Anne Collot. En 2016, 300 personnes ont bénéficié d’ateliers organisés par l’AFA. « Après avoir géré pendant un an tout en solo, je me suis rendu compte que j’étais K-O, stressée et que je ne voyais plus personne », se souvient Georgette Laroche.

Depuis l’entrée en vigueur en janvier 2016 de la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement, le droit au répit est reconnu. Ainsi, des associations proposent désormais des vacances et des loisirs aux aidants familiaux. Elles programment des loisirs partagés pour des couples « aidant aidé » (goûters, chorale, sorties au musée…). Des séjours sont organisés dans des hôtels adaptés avec des encadrants. Autre initiative : la Maison des aidants de la métropole Lille-Roubaix-Tourcoing offre les services d’un « relais d’aidants à domicile ». Moyennant un tarif modeste, de 4 à 6 euros de l’heure, un membre de l’association connais­sant ces maladies remplace au ­domicile le proche une demi-journée ou une soirée pour lui ­permettre de s’absenter en toute tranquillité. Une fois leur proche ­décédé, beaucoup d’ex-aidants n’oublient pas ce désarroi. Beaucoup s’engagent comme bénévoles afin d’épauler d’autres per­sonnes, parfois confrontées à des ­situations compliquées.

Le Monde.fr

Cet article fait partie d’un dossier réalisé en partenariat avec l’OCIRP, Franceinfo et LCP.