Documentaire sur Arte à 22 h 40

Teaser documentaire "Sauver Auschwitz ?" sur Arte le 24 janvier à 22h35
Durée : 01:58

Symbole du mal absolu, le camp de concentration et d’extermination d’Ausch­witz-Birkenau est le plus grand cimetière du monde juif. Un cimetière sans sépultures, sans noms, sur lequel s’est développée une bataille mémorielle. C’est sur ce terrain que Jonathan Hayoun a choisi de se placer. Mettant ses pas dans ceux d’Annette Wieviorka, auteure d’Auschwitz, 60 ans après (Robert Laffont, 2005) et ici conseillère historique, le réalisateur livre un premier film remarquable par la qualité des archives – souvent rares – et par le choix des intervenants (notamment celui des rescapés et des historiens). Et surtout par la manière dont il bouscule le téléspectateur à travers les multiples interrogations qu’il soulève quant au devenir et à la fonction de ce camp-musée.

Extrait 1 "Sauver Auschwitz ?"
Durée : 00:37

A commencer par celle à laquelle les Soviétiques sont confrontés lorsqu’ils découvrent fortuitement le camp en janvier 1945 : que faire d’Auschwitz ? Abandonné pendant deux ans, il devient le théâtre d’affrontements entre d’anciens prisonniers politiques polonais et des pilleurs. La mort de l’un d’eux force le gouvernement polonais à intervenir, et à transformer Auschwitz 1 en musée. Les deux autres entités du complexe concentrationnaire connaissent un sort différent : Birkenau, lieu d’extermination, est laissé en friche, tandis que le camp de travail de Monowitz-Buna, où se situe l’usine IG Farben, devient une zone industrielle.

Un voile idéologique

Dès lors et jusqu’à la fin de la guerre froide, un voile idéologique va recouvrir Auschwitz, érigé en lieu du martyre polonais. Ainsi lors du 20e anniversaire du musée, une plaque est apposée, mentionnant le nombre surévalué de 4 millions de victimes, sans précision d’identités, là où périrent 1,1 million de personnes dont 90 % de juifs. « Manière de dissimuler la dimension juive de la catastrophe », estime l’historien canadien Robert Jan Van Pelt. Cependant, un coin du linceul est levé avec l’arrivée des premiers visiteurs de l’Ouest, tels Serge Klarsfeld ou l’historien Marcello Pezzetti qui se met en quête de retrouver la première chambre à gaz à Birkenau.

Au tournant des années 1980, peu après la visite de Jean Paul II, qui célèbre une messe à Birkenau, l’affaire des carmélites suscite de vives polémiques au sein de la communauté juive, qui craint une récupération religieuse du lieu. Polémiques auxquelles viendra s’ajouter la « mascarade pseudo-scientifique » négationniste mené par Robert Faurisson.

Extrait 2 "Sauver Auschwitz ?"
Durée : 00:50

Avec la chute du Mur en 1989 s’ouvre une nouvelle ère, qui voit des intellectuels juifs associés à la réflexion sur la préservation du site et des travaux de recherches menés à Birkenau. Non sans tiraillements avec une population locale décidée à vivre tranquillement sans être indisposée par les touristes… Si le déni de réalité peut apparaître choquant à écouter les propos de certains habitants – tel ce jeune homme, devant le wagon commémoratif installé sur la Judenrampe (quai des juifs), expliquant son choix de vivre à Auschwitz par un « c’est bien desservi, ici… » –, que dire de ceux à teneur négationniste du maire de Brzezinka, qui, défendant le développement de la ville au nom de l’histoire ancestrale, s’exclame : « A l’échelle des siècles, ces quatre années d’occupation hitlériennes sont passées comme un battement de cils. »

A travers les points de vue, analyses et témoignages, et surtout les questions sur l’urbanisation, la fréquentation de masse, la conservation du camp, le film de Jonathan Hayoun contribue à poser avec rigueur et clarté les termes d’un débat complexe, loin d’être clos.

Sauver Auschwitz ?, de Jonathan Hayoun (Fr., 2016, 55 min).