Dans la salle d’attente du CHRU de Tours, le 12 janvier. | GUILLAUME SOUVANT / AFP

L’épidémie de grippe qui touche la France est cette année d’une grande sévérité. Les tendances ressemblent à celles de 2014-2015, « hiver qui avait été marqué par une surmortalité importante de 18 000 personnes, en partie attribuable à la grippe », a indiqué le professeur François Bourdillon, président de Santé publique France, lors d’un point presse, mercredi 25 janvier, au ministère de la santé. La mortalité attribuable à la grippe devrait être du même niveau voire légèrement plus élevée que celle d’il y a deux ans, a-t-il précisé.

« Nous sommes toujours en pleine épidémie, et le pic n’a pas encore été atteint », a souligné Benoît Vallet, directeur général de la santé, lors de ce point presse. Toutefois, une stabilisation de l’épidémie est observée dans de nombreuses régions et une diminution en Auvergne-Rhône-Alpes, selon le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de Santé publique France.

1,3 million de personnes ont consulté un médecin généraliste pour des syndromes grippaux depuis le début de l’épidémie, il y a six semaines, selon les chiffres du réseau de surveillance Sentinelles-Inserm communiqués mercredi. Un chiffre en hausse. Les passages aux urgences (4 744 lors de la semaine du 16 au 22 janvier) et hospitalisations (728) sont en revanche plutôt orientés à la baisse.

Spécificité de cette épidémie, la grippe qui sévit cette année, liée à la souche A (H3N2), touche plus sévèrement les personnes âgées. Leur arrivée en masse aux urgences en décembre a conduit à déstabiliser l’équilibre de ces services. 119 hôpitaux étaient encore déclarés, mardi, « en tension », un classement qui permet de dégager des lits supplémentaires, selon les chiffres donnés par le ministère.

Environ 8 100 morts en excès (nombre de décès observés par rapport au nombre de décès attendus) ont été constatées début janvier, depuis le début de l’épidémie, a relevé Santé publique France, mercredi. Cette surmortalité a atteint + 20 % lors de la dernière semaine de décembre et + 28 % lors de la première semaine de janvier, selon le BEH. La grande majorité de ces décès concerne les « plus de 85 ans », a indiqué François Bourdillon. En revanche, « la part de la mortalité due à la grippe ne peut pas être estimée actuellement », a précisé Santé publique France. Ces estimations doivent en effet être prises avec précaution, compte tenu de la difficulté d’effectuer un décompte précis.

Toutefois, l’agence a effectué un travail de modélisation qui fait ressortir que 75 % des décès en excès lors de l’épidémie de 2014-2015 seraient dus à la grippe, soit 13 500 décès.

La mortalité sera sans doute supérieure cette année. « L’impact serait réduit si le taux de vaccination était plus élevé », martèle le docteur Daniel Lévy-Bruhl, responsable de l’unité infections respiratoires et vaccination à Santé publique France. Un indicateur ? Si on pouvait penser que les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) seraient particulièrement touchés, le cas de l’Ehpad Korian Berthelot à Lyon, où 13 personnes sont décédées, semble une exception. Dans les collectivités de personnes âgées, 1 393 foyers d’infections respiratoires aiguës ont été signalés, un chiffre jugé « faible ».

Une explication à creuser, selon les autorités sanitaires, 83 % des résidents des Ehpad – 10 000 établissements en France au total – étant vaccinés, et 12 % de leurs personnels. « La plupart des personnes infectées par le virus ne vivent pas en Ehpad », affirme ainsi Benoît Vallet. Certes, le vaccin est moins efficace chez les personnes âgées, en raison de l’immunosénescence (le vieillissement de leur système immunitaire), mais le taux de vaccination élevé dans les Ehpad expliquerait peut-être le plus faible nombre de cas.

En revanche, le taux de vaccination de la population générale est en repli. Le vaccin contre la grippe est recommandé et gratuit pour les personnes de plus de 65 ans, celles considérées comme fragiles (souffrant de certaines maladies chroniques comme les affections respiratoires, le diabète...), les femmes enceintes… Il atteint 46 % de cette population cible, contre 60,2 % en 2009. Autre sujet de préoccupation, le faible taux de vaccination chez les soignants. Benoît Vallet s’est récemment prononcé pour une obligation vaccinale de ces personnels, une proposition qui a fait polémique dans le milieu de la santé. Une réunion est prévue sur ce sujet au ministère de la santé, vendredi.