Un vent de changement va-t-il souffler sur l’Union africaine (UA) ? C’est ce que laisse augurer le programme du 28e sommet de l’UA qui se déroulera à Addis-Abeba, en Ethiopie, les lundi 30 et mardi 31 janvier. Les chefs d’Etat et de gouvernement africains débattront à huis clos de plusieurs dossiers de fond, à commencer par l’adhésion du Maroc au sein de l’organisation panafricaine qui est sur toutes les lèvres depuis le sommet de juillet 2016 à Kigali, au Rwanda.

Tandis que le président tchadien Idriss Déby Itno passera le flambeau de la présidence de l’UA vraisemblablement à son homologue guinéen Alpha Condé, il y aura un renouvellement total de la Commission de l’UA, l’organe exécutif de l’organisation panafricaine. Qui succédera à la présidente sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma au bilan passable et aux ambitions plus nationales que continentales ?

Le vainqueur parmi les cinq candidats prendra la tête d’une institution qui se dit prête à se réformer. Les travaux de l’équipe du président rwandais Paul Kagame, mandaté par les chefs d’Etat et de gouvernement africains pour la réforme institutionnelle de l’UA, seront présentés à ses homologues. En attendant leur arrivée, les ministres commencent à plancher, mercredi 25 janvier, sur ces grands chantiers. Eclairage.

  • Le retour du Maroc

Le roi Mohammed VI devrait être présent à Addis-Abeba pour défendre la réintégration du Maroc au sein de l’organisation panafricaine, selon le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane. Le royaume chérifien avait quitté l’ancêtre de l’UA, l’Organisation de l’unité africaine (OUA), en 1984 suite à la reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée par le mouvement indépendantiste du Front Polisario. Un territoire revendiqué par Rabat. Le différend sur le Sahara occidental n’est toujours pas réglé, mais le Maroc a officialisé il y a six mois sa volonté de « retour » au sein de l’UA.

L’année 2016 fut celle d’une opération diplomatique de charme en Afrique qui a conduit le souverain au Ghana, à Madagascar, au Nigeria, en Tanzanie… A Marrakech, Mohammed VI a organisé un minisommet panafricain en marge de la COP22. Et Rabat a multiplié les partenariats économiques sur le continent pour se repositionner sur l’échiquier africain. En Ethiopie, par exemple, les deux pays ont signé un accord de 2,25 milliards d’euros sur la production d’engrais.

Le Parlement a également mis en place, le 20 janvier, l’arsenal législatif nécessaire pour ratifier l’Acte constitutif de l’Union africaine. Le sort marocain est désormais entre les mains des chefs d’Etat et de gouvernement africains qui voteront à huis clos lors du sommet. Une majorité des deux tiers est requise, soit l’accord de 36 pays africains sur les 54 membres de l’UA. Le ministre marocain des affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, a d’ores et déjà annoncé que 40 pays africains soutenaient le royaume. En juillet déjà, 28 pays du continent avaient signé une motion pour la réintégration du Maroc au sein de l’UA et la suspension des activités de la RASD, qui reste une volonté sans équivoque du royaume. Mais le Polisario peut compter sur le soutien de l’Afrique du Sud et de l’Algérie, deux puissances de poids au sein de l’UA.

  • Une Commission entièrement renouvelée

Qui va succéder à Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la Commission de l’UA ? La question avait été posée lors du précédent sommet, à Kigali, en juillet  2016, mais l’organisation n’avait pas trouvé son élu. Cette fois, tous les regards sont tournés vers cinq candidats : la Botswanaise Pelonomi Venson, la Kényane Amina Mohamed, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, l’Equato-Guinéen Agapito Mba Mokuy, tous les quatre ministres des affaires étrangères, et le Sénégalais Abdoulaye Bathily, ancien représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique centrale.

Pour l’instant, les candidats kényan, sénégalais et tchadien ont une longueur d’avance, mais seuls les chefs d’Etat et de gouvernement en décideront lors du vote prévu le 30 janvier. Le renouvellement de la Commission de l’UA sera complet : seront également élus le vice-président de la Commission, succédant au Kényan Erastus Mwencha, ainsi que huit commissaires. Les règles sont simples : chaque région a droit à deux commissaires ; au moins l’un des deux doit être une femme ; et chaque commissaire doit être élu avec deux tiers des suffrages exprimés.

  • Des institutions à réformer

Réformer l’Union africaine, un vœu pieux ou un rêve accessible ? Lors du sommet de Kigali, le président rwandais Paul Kagame a reçu la mission de rajeunir une institution souvent critiquée pour son inefficacité et sa bureaucratie.

Pour cela, il s’est entouré d’une équipe de neuf éminents conseillers venus de toute l’Afrique. Parmi eux : le Bissau-Guinéen Carlos Lopes, ancien secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies, le Camerounais Acha Leke, associé du cabinet McKinsey, et le milliardaire Strive Masiyiwa, qui a fait fortune dans les télécoms au Zimbabwe.

Le Rwandais Donald Kaberuka, ancien président de la Banque africaine de développement, fait également partie de l’équipe de choc du président rwandais. En juillet, à Kigali, il avait proposé d’appliquer une taxe de 0,2 % sur les importations – dont le principe a été adopté lors du sommet – pour accroître l’autonomie financière de l’UA encore largement dépendante des bailleurs européens.

Le sujet du financement sera au cœur des discussions, tout comme le mode de désignation des commissaires, qui ne fait pas l’unanimité, et le rajeunissement des fonctionnaires. Les propositions de l’équipe de M. Kagame seront passées au crible lors de la retraite présidentielle du 29 janvier à l’hôtel Sheraton d’Addis-Abeba. Les chefs d’Etat donneront-ils leur feu vert à ce plan de réformes ? La réponse lors du sommet.

Regardez notre Facebook Live avec Seidik Abba : Sommet de l’Union Africaine : quels enjeux ?