A Noida, près de New Delhi, en juillet 2016.sunil ghosh/« Hindustan times »via getty images | Hindustan Times / Hindustan Times via Getty Images

C’est avec un mélange de curiosité et de perplexité que l’Inde a appris, mercredi 25 janvier au matin, le retour de PSA sur son territoire. Le constructeur automobile français, qui avait déjà tenté de s’y installer par deux fois sous la marque Peugeot, a annoncé une alliance avec Hindustan Motors et Avtec, deux petites filiales du conglomérat CK Birla.

PSA et la famille Birla, des industriels présents dans les matériaux de construction, la papeterie et le textile vont constituer deux coentreprises qui opéreront depuis l’usine Hindustan Motors de Tiruvallur, près de Madras, dans le sud-est. Depuis son inauguration en 1998, le site produisait des modèles Mitsubishi, mais il ne tourne presque plus aujourd’hui, malgré sa capacité à assembler 12 000 véhicules par an.

Hindustan Motors est connu pour avoir, pendant soixante ans, produit la mythique Ambassador, mais son activité, actuellement réduite à zéro, s’est soldée par de lourdes pertes en 2016. PSA et ses deux partenaires vont, dans un premier temps, investir 7 milliards de roupies (96 millions d’euros) à Tiruvallur, afin de produire « environ 100 000 véhicules par an », ainsi que des groupes motopropulseurs destinés au marché indien et à l’exportation.

Elaborer la recette qui marche

S’il était envisagé depuis bientôt deux ans, le retour de PSA en Inde était supposé n’intervenir qu’en 2018 ou en 2019. Le mariage avec CK Birla arrive plus vite que prévu, en raison de l’énorme potentiel que représente le sous-continent. Le taux d’équipement des habitants y est trente fois inférieur à celui de l’Europe, et la croissance économique avance actuellement au rythme de 7 %, portée par la politique du « make in India » que le gouvernement du nationaliste Narendra Modi promeut pour attirer les investissements étrangers.

Selon la société de conseil londonienne IHS Markit, l’Inde va passer, en 2017, devant l’Allemagne et devenir, avec 3,8 millions de voitures vendues (contre 3,3 millions en 2016), le quatrième marché automobile de la planète. En 2001, elle n’était que seizième. « Aujourd’hui, trente-cinq constructeurs automobiles produisent en Inde. Ils n’étaient que seize au début du siècle et seront bientôt plus de cinquante », prédit IHS Markit. PSA pense, lui, que « la production du marché automobile indien devrait atteindre 8 millions à 10 millions de voitures d’ici à 2025 ». Les prochains à débarquer pourraient être le sud-coréen Kia, filiale de Hyundai, et le japonais Daihatsu, tombé l’an dernier dans l’escarcelle de Toyota.

Pour PSA, la question est maintenant d’élaborer la recette qui marche. « Il est difficile de trouver le bon produit, les bons fournisseurs et le bon réseau, confie Jacques Manlay, patron de PSA à l’époque de la première aventure indienne du constructeur, mais, dans un tel pays, le groupe doit nécessairement avoir, sinon un pied, au moins un doigt de pied. »

« Situation unique dans le monde »

Le lion Peugeot avait été l’une des premières marques occidentales à venir se frotter au tigre indien, lorsque celui-ci avait ouvert ses portes aux multinationales au début des années 1990. Il s’était alors allié à Premier Automobiles Limited (PAL), partenaire historique de Fiat, en lançant, depuis Bombay, une 309 qui ne trouvera jamais de débouché et conduira à mettre la clé sous la porte en 1997, au bout de quatre ans à peine. « La 309 était trop chère dans un pays où 70 % des voitures vendues sont des petits modèles à moins de 7 000 euros, situation unique dans le monde », observe Sylvain Bilaine, ancien patron de Renault India, aujourd’hui consultant indépendant.

La marque au losange, elle, s’était jetée à l’eau en 2005 avec la Logan, sans succès, mais elle semble maintenant décoller. Renault dispose d’un important centre technique à Madras, où travaillent 5 000 ingénieurs qui ont récemment mis sur le marché le Duster et le Kwid, deux modèles compacts qui ont respectivement enregistré 105 000 et 19 000 commandes en 2016.

En 2011, PSA avait tenté un premier retour, en déclarant vouloir investir 650 millions d’euros dans une usine au Gujarat pour produire 170 000 véhicules par an. Mais ses problèmes financiers en France avaient eu raison de ses ambitions. Le groupe n’avait pas pour autant renoncé à l’Inde. Il a ensuite tenté successivement un rapprochement avec Tata Motors, Mahindra & Mahindra et, enfin, General Motors. En vain.

Il aura fallu l’adoption, en avril 2016, du plan stratégique Push to Pass qui vise à conquérir de nouveaux pays, pour que PSA parvienne à conclure une alliance avec CK Birla, sous la férule d’Emmanuel Delay, responsable d’une zone Inde-Pacifique, où le groupe espère augmenter ses ventes de 50 % par rapport à 2015, et ce d’ici à 2021.

(Intérim) Bombay, correspondance