Un texte ambitieux mais inabouti. Dans un rapport rendu public, mercredi 25 janvier, Daniel Goldberg, député (PS) de Seine-Saint-Denis, et Jean-Marie Tétart, député (LR) des Yvelines, dressent un bilan critique de la mise en œuvre de la loi pour l’Accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), du 24 mars 2014.

Portée par Cécile Duflot (EELV), alors ministre du logement, la loi ALUR traite, entre autres, des rapports entre bailleurs et locataires, encadre les professions de l’immobilier et renforce la lutte contre l’habitat indigne. Près de trois ans après son adoption, dix des cent douze mesures contenues dans la loi attendent toujours leur décret, malgré un travail intense du ministère du logement qui en a tout de même publié cinquante. Surtout, certaines réformes phares, comme l’encadrement des loyers et la garantie universelle locative, concrétisation de promesses du candidat Hollande, ont été en partie abandonnées.

De fait, le plafonnement des loyers a bien été institué pour les marchés de vingt-huit agglomérations situées en zone tendue, mais il n’est finalement appliqué qu’à Paris, depuis le 1er août 2015. Il le sera à Lille, le 1er février prochain, puis dans les communes de la petite couronne parisienne, mais pas à Nantes, Lyon, Montpellier, Marseille, Nice, Toulouse… Pour fixer des valeurs locatives, il faut connaître le marché, et vingt et un observatoires ont été créés dans ce but, assurant « une transparence bienvenue », selon les auteurs du rapport, mais il manque ceux de Meaux, Beauvais, Saint-Nazaire, Bastia, Thonon-les-Bains, Annemasse et Annecy, en raison des oppositions locales.

Pas de sanction pour les agents

L’observatoire de l’agglomération parisienne constate, à partir du 1er août 2015, un très fort ralentissement de la hausse des loyers, contenue à + 0,3 %, alors qu’ils ont gagné 70 % entre 2000 et 2014. Trois quarts des baux signés à partir de cette date se sont conclus à des prix inférieurs au plafond fixé pour chaque quartier. Mais « le lien de causalité entre l’encadrement réglementaire et la baisse des loyers ne peut être établi avec certitude », modèrent les deux députés. Le contentieux lié à cette mesure reste faible avec, en dix-sept mois, seulement quatre-vingt-dix saisines de la Commission de conciliation des loyers, et aucune affaire au tribunal.

La garantie universelle des loyers, qui se voulait une sorte de sécurité sociale du logement, visait à empêcher les discriminations à la conclusion des baux, en permettant à toute personne, avec ou sans garant, de candidater à un logement locatif. Le dispositif a été voté, mais jamais appliqué, faute de financement (400 millions d’euros). Une garantie appelée « Visa pour le logement et l’emploi » (Visale), proposée par Action Logement, a été tardivement – fin décembre 2015 – mise en place pour les jeunes de moins de 30 ans : « Près d’un an après son lancement, le bilan quantitatif de Visale est décevant, avec, au 30 novembre 2016, seulement 7 681 contrats cautionnés, alors que l’objectif était de 81 000 contrats par an », déplorent les rapporteurs.

Une autre mesure de la loi ALUR prévoit de plafonner les honoraires des agents immobiliers perçus à l’occasion d’une location. A Paris, cette commission équivalait à un mois de loyer mais, désormais calculée en fonction d’un tarif au mètre carré, elle a été réduite de 40 %, voire 50 %. Selon une enquête de Que choisir ?, auprès de 1 246 agences de toute la France, 94,5 % des professionnels respectent ce tarif, mais 4 % l’ignorent (12 % dans certaines villes, notamment en région parisienne) ou la contournent en proposant des prestations nouvelles (de prétendus « frais de réservation » ou « de pré-état des lieux »). Ils ne risquent cependant guère de sanction puisque la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n’est pas, par un oubli de la loi, habilitée à les contrôler sur ce point…

Les professionnels de l’immobilier ont, de par la loi ALUR, l’obligation de se former, à raison de quatorze heures par an, mais le gouvernement a renoncé à agréer les organismes de formation qui en auraient assuré le sérieux. Les organisations de consommateurs comme les professionnels ont, en revanche, salué la création du Conseil national de transaction et de gestion immobilières, une instance de concertation qui, depuis son installation en juillet 2014, a beaucoup travaillé, mais pas autant qu’elle aurait voulu, faute de moyens pour lancer des études, notamment juridiques, et de personnalité morale pour agir, par exemple, en justice.

Enfin, dans la lutte contre l’habitat indigne, le décret concernant la possibilité de consigner les aides au logement, afin qu’elles ne soient pas versées pour des immeubles insalubres, n’a été pris qu’en décembre 2016.