Alexander Van der Bellen, à Vienne le  6 décembre. | HANS KLAUS TECHT / AFP

Finalement, c’est lui, le huitième président de l’Autriche. Alexander Van der Bellen entre en fonctions ce jeudi 26 janvier. Son adversaire d’extrême droite, Norbert Hofer (Parti de la liberté d’Autriche, FPÖ), n’aura pas osé, cette fois-ci, contester les résultats, et c’est avec une légitimité incontestable que l’ancien chef des Verts s’installe sous les dorures du palais impérial surdimentionné servant désormais « d’Elysée » au pays alpin.

M. Van der Bellen avait été élu le 4 décembre 2016 avec 53,8 % des suffrages, lors d’un troisième tour organisé après que le FPÖ avait contesté, en raison d’irrégularités procédurales, les résultats du deuxième tour, le 22 mai.

La Hofburg accueille un hôte atypique : premier président non issu des partis SPÖ (sociaux-démocrates) ou ÖVP (conservateurs-chrétiens), le fils de réfugiés Van der Bellen – ses parents ont fui l’Union soviétique – est perçu désormais comme un rempart contre l’extrême droite. Un certain nombre de membres du parti écologiste Die Grünen le suivent dans ses nouvelles fonctions. Bien qu’il ait tergiversé sur la question, il a promis de rendre la vie difficile au parti FPÖ, si celui-ci devait gagner, comme les sondages le lui prédisent, les prochaines législatives, prévues pour 2018.

Pour l’instant, le chef de l’Etat, qui vient de fêter ses 73 ans, se montre très prudent. Il a rencontré son homologue slovène, Borut Pahor. Une occasion de réaffirmer son engagement pro-européen, à l’heure où les discours de désunion font la « une » des journaux. Les deux hommes se sont prononcés pour l’instauration d’une Constitution européenne.

Alexander Van der Bellen a tout de même fait passer quelques messages à contre-courant de ce que les vents ramènent des Etats-Unis. Il a par exemple fait savoir qu’il comptait féminiser les postes de direction sur lesquels il a la main haute.

Inflexible sur la Crimée

Malgré ses racines slaves, le nouveau président autrichien, ancien professeur d’économie et amateur de littérature russe du XIXe siècle, n’était pas non plus l’ami des puissances du Kremlin, et c’est peu de le dire. Il est même la meilleure preuve des limites de la propagande russe, qui a tenté en vain de porter vers la victoire son opposant autoritaire. Par le passé, Vladimir Poutine ne lui a parlé qu’une seule fois : c’était le 9 février 2001, et M. Van der Bellen avait fait la leçon sur la Tchétchénie au président russe. Aujourd’hui, c’est sur la Crimée qu’il se montre intraitable : l’Autriche ne reconnaîtra pas son annexion.

Le fils de réfugiés Van der Bellen est perçu désormais comme un rempart contre l’extrême droite

Alexander Van der Bellen a été à la tête des Verts, parti qu’il aura fait sortir des limbes, pour le transformer en une force capable de concurrencer les grandes formations traditionnelles, le SPÖ et l’ÖVP, tous deux éliminés dès le premier tour le 24 avril 2016.

La famille Van der Bellen, protestante, a émigré au XVIIIe siècle des Pays-Bas vers la Russie, d’où elle fut ensuite chassée en 1917 en direction de l’Estonie par les bolcheviks, avant de gagner Vienne, où Alexander naîtra, en 1944. L’occupation soviétique du secteur obligera encore tout le monde à fuir, cette fois pour rejoindre la profondeur rassurante des vallées alpines les plus reculées.

Le Tyrol, c’est le Heimat, le pays natal du candidat au nom qui sonne d’ailleurs. Père russe certes, mère estonienne, d’accord. Mais c’est là qu’il a grandi et élevé ses deux fils, dans la Kaunertal, une vallée connue pour son panorama impressionnant. C’est ici, au pied des glaciers, qu’il s’est fait photographier pour ses affiches électorales, où le mot « patrie » s’écrivait en gras sur un fond de carte postale.