Emmanuel Macron, candidat à la présidentielle 2017, lors d’un meeting de campagne à Lille, le 14 janvier 2017. | JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH_POLITICS POUR LE MONDE

Cela repose sur pas grand-chose. Dans un livre paru mercredi 25 janvier, Dans l’enfer de Bercy (JC Lattès, 280 pages, 20,50 euros), les auteurs, Frédéric Says et Marion L’Hour, affirment qu’Emmanuel Macron, lorsqu’il était ministre de l’économie, « a utilisé à lui seul 80 % de l’enveloppe annuelle des frais de représentation accordée à son ministère » avant sa démission du gouvernement, le 30 août 2016.

« Il multipliait les dîners, parfois deux par soir », raconte un membre du gouvernement, qui n’est pas nommé. « S’il était resté, on ne sait pas comment il aurait fini l’année », observe une autre source, pas plus identifiée. Selon les auteurs, l’enveloppe annuelle des frais de représentation du ministère de l’économie avoisinerait 150 000 euros : l’ancien ministre en aurait utilisé 120 000 en huit mois. Ils en déduisent que le fondateur d’En Marche ! « a pleinement profité de la piste d’envol de Bercy » et dénoncent « un mélange des genres ».

Diversion de la droite

En ouvrant leur livre d’enquête sur la citadelle de Bercy et ses méandres par des « indiscrétions », nourries de confidences anonymes et de citations d’un autre ouvrage paru en 2015 (L’Ambigu Monsieur Macron, de Marc Endeweld, Flammarion), sur celui qui, en quelques mois, a effectué une spectaculaire percée sur la scène politique au point de devenir un potentiel prétendant à l’Elysée, les deux journalistes étaient assurés de créer la polémique.

Comme ils le mettent fort bien en exergue, en reprenant le propos de l’ancien ministre de l’économie et des finances Francis Mer, « Quelle idée d’écrire un bouquin sur Bercy… Encore faudrait-il qu’il y ait des lecteurs ! », quelques pages bien troussées et astucieusement distillées sur le désormais candidat à l’élection présidentielle suffisent à stimuler la promotion. Dommage, car le livre, heureusement, ne se limite pas à ces quelques feuillets racoleurs.

Néanmoins, alors que François Fillon est depuis mardi 24 janvier sous les projecteurs pour des soupçons d’emplois fictifs de son épouse, Penelope Fillon, la droite s’en est immédiatement emparée pour tenter de faire diversion. Pour le président du groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale, Christian Jacob, « c’est révélateur ». « Emmanuel Macron est l’incarnation de l’imposture, l’imposture sur toute la ligne », s’est emporté le patron des députés LR. Son homologue du groupe UDI, Philippe Vigier, a quant à lui indiqué qu’il allait demander une « clarification ». « Franchement, celui qui nous expliquait dans une déclaration que pas un seul euro d’argent public ne serait utilisé pour sa campagne, manifestement, c’est un mensonge », a dénoncé le député d’Eure-et-Loir.

« Aucun centime » de Bercy

« Aucun centime du budget du ministère de l’économie (...) n’a jamais été utilisé pour En Marche !. Toute affirmation du contraire est purement et simplement diffamatoire », a réagi jeudi le mouvement En Marche ! dans un communiqué.

« Il faut que ces parlementaires fassent attention parce que la diffamation a un sens juridique », avait déjà affirmé M. Macron mercredi, en marge d’un déplacement au Liban. « J’ai été un ministre engagé à temps plein, dans toutes mes missions. S’ils découvrent qu’un ministre engagé c’est un ministre qui voyage, qui va voir ses interlocuteurs, qui reçoit et qui est actif, ils découvrent peut-être ce qu’est une fonction de ministre », a poursuivi l’ancien ministre de l’économie.

Avant de glisser une allusion dont il n’a pas précisé qui elle visait, mais quipeut viser large. « Je ne suis pas pour ma part un ministre qui payait des collaborateurs à s’occuper de sa circonscription. Je ne suis pas un ministre qui payait des collaborateurs à faire vivre un parti politique, a lancé M. Macron. Que ceux qui diffament s’occupent de leurs propres turpitudes. » L’épisode, toutefois, aura du mal à servir de contre-feu à l’affaire qui pèse sur François Fillon.