C’était la dernière loi importante du quiquennat, souvent qualifiée de « loi balai » tant elle avait agregé nombre de mesures qui n’avaient pu trouver leur place dans d’autres textes de loi. Jeud 26 janvier, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions de ce texte, certaines sur le fond et certaines sur la forme, estimant que les mesures en question n’avaient rien à faire dans la loi.

C’est le cas de l’article 222 du projet de loi égalité et citoyenneté, qui introduisait dans la définition de l’autorité parentale l’interdiction d’avoir recours aux « violences corporelles » sur les enfants. Cet amendement parlementaire, qui proscrivait symboliquement les gifles et les fessées, avait été voté avec l’accord tacite du gouvernement. Il a été considéré comme un « cavalier » législatif, c’est-à-dire sans rapport avec l’objet principal de la loi. Le conseil constitutionnel avait été saisi sur ce point par 60 sénateurs de l’opposition.

Inscrite dans le code civil, la disposition n’était assortie d’aucune sanction, mais avait une vocation pédagogique, selon les auteurs de l’amendement, les députés Marie-Anne Chapdelaine (PS, Ille-et-Vilaine), Edith Gueugneau (divers gauche, Saône-et-Loire), et François-Michel Lambert (écologiste, Bouches-du-Rhône). Ils avaient auparavant déposé, sans succès, une proposition de loi sur ce thème. La ministre des familles, Laurence Rossignol, avait salué après le vote à l’Assemblée nationale la nouvelle rédaction du code civil, qui « amplifie le travail de conviction que [je] mène, avec les associations, en faveur d’une éducation non violente », ainsi qu’un « outil indispensable à la prévention de la maltraitance des enfants ».

Une décision « incompréhensible et pas éthique »

« Si l’article est censuré, ceux qui ont saisi le conseil constitutionnel n’auront pas de quoi être fiers », avait-elle lancé lors de ses voeux aux associations et à la presse lundi 23 janvier. Les termes du texte avaient été longuement négociés en amont entre les parlementaires et la ministre. Les mots punitions et châtiments corporels, jugés trop clivant, avaient été écartés.

Le terme de violences était moins clair, car pour beaucoup de parents, les fessées ou les gifles ne relèvent pas de ce registre. Les violences sur les enfants sont en outre déjà punies par le code pénal. Mais dans les faits, seules les maltraitances graves sont réprimées. Pour les associations qui militent depuis des années pour l’interdiction des châtiments corporels, il s’agissait donc d’un outil très important pour diffuser l’idée que les coups sur les enfants sont contre-productifs.

« La décision du conseil constitutionnel est incompréhensible et pas éthique, commente le médecin Gilles Lazimi, qui se bat depuis de longues années pour faire évoluer la loi. L’une des plus hautes institutions de l’Etat refuse l’idée qu’il faut interdire les violences sur les enfants, alors qu’elles sont interdites sur les adultes et les animaux. C’est la loi égalité et citoyenneté. Or c’est bien une question d’égalité de droits pour les enfants. »

D’autres mesures censurées

En outre, le Conseil a retoqué d’autres dispositions importantes du texte. L’article 100 qui prévoyait la suppression du bénéfice de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale pour les communes qui n’atteignent pas leurs objectifs de réalisation de logements sociaux a ainsi été jugé contraire à la Constitution.

L’article prévoyant d’instituer des contrôles renforcés sur l’instruction à domicile et les écoles privées hors contrat en les soumettant à un régime d’autorisation et non plus de déclaration a également été censuré au vu de « l’insuffisante précision de l’habilitation donnée au Gouvernement ».

Le Conseil s’est enfin prononcé sur un article de la loi qui réprimait le négationnisme de certains crimes, y compris lorsque ces crimes n’ont pas fait l’objet d’une condamnation judiciaire. Il a jugé que les dispositions contestées portaient à l’exercice de la liberté d’expression une atteinte qui n’est ni nécessaire ni proportionnée et les a donc également déclarées contraires à la Constitution.