Le sélectionneur du Sénégal, Aliou Cissé, âgé de 40 ans, ancien joueur du championnat de France passé par Sedan et le PSG notamment, retrouvera le Cameroun en quarts de finale de la Coupe d’Afrique des nations, samedi 28 janvier.

Cela faisait onze ans que les Lions de la Teranga, qui n’ont jamais gagné le trophée, n’avaient pas atteint ce stade de la compétition panafricaine.

Lors des éliminatoires, le Sénégal a remporté tous ses matchs. Quel est votre sentiment après cette phase de groupes quasiment parfaite ?

Aliou Cissé Les deux premières victoires face à la Tunisie (2-0) et au Zimbabwe (2-0) nous ont placés dans une situation favorable, avec notre qualification en poche après deux journées. J’ai donc eu la chance de pouvoir faire tourner un peu mon effectif lors du dernier match contre l’Algérie (2-2), et de donner du temps de jeu à ceux qui n’avaient pas débuté, afin de laisser tout le monde concerné. Je pense que notre salut dans cette CAN passera par cette notion du « jouer-ensemble » qui m’est si chère.

Le Cameroun se présente maintenant face à vous. Redoutez-vous cette équipe ?

Le Cameroun, c’est comme l’Algérie, un pays majeur du football. Il n’y a qu’à regarder leur palmarès : il comptabilise quatre CAN, alors que nous n’en avons gagné aucune. Evidemment, les Camerounais seront favoris, à nous de nous mettre à leur niveau pour espérer continuer. Car nous avons l’ambition d’aller loin dans cette compétition.

Les conditions d’accueil sont-elles bonnes dans cette CAN organisée par le Gabon ?

Notre camp de base est situé à Franceville, où nous avons été parfaitement reçus et où les infrastructures sont bonnes. Mais j’espère que, malgré l’élimination prématurée du pays hôte [le Gabon a terminé troisième du groupe A], la compétition ne va pas devenir moins populaire dans les tribunes, et que le peuple africain sera présent dans tous les stades pour soutenir les équipes restantes. Les festivités doivent se poursuivre.

Comment jugez-vous le niveau global de cette compétition ?

Le niveau est très relevé, il n’y a plus de petites équipes. Auparavant, il n’y avait pas vraiment de suspense. Aujourd’hui, les matches sont beaucoup plus âpres et disputés, et il ne faut plus sous-estimer personne. Je pense que cela est dû à une plus grande professionnalisation du football africain, qui évolue dans le bon sens. Ce n’est pas seulement à mettre à l’actif des sélections, cela se voit partout sur le continent, dans les clubs aussi. Le football africain mise sur de meilleures infrastructures, une formation plus poussées de ses cadres… Même les stades sont magnifiques.

Vous êtes l’un des seuls sélectionneurs africains de cette CAN. Comment l’expliquez-vous ?

C’est vrai, il n’y a que quatre sélectionneurs « locaux » sur les seize équipes, ce qui est peu. Je ne me l’explique pas vraiment. Je suis africain, même si j’ai passé mes diplômes en France. Je suis, en quelque sorte, un « produit français » [rires]. Sur cette problématique, il faut poser la question aux instances dirigeantes du football en Afrique. Je suis persuadé qu’il y a de très bons techniciens sur notre continent.

Ce n’est donc pas un problème de niveau des techniciens. Est-ce dû aux structures de formation des entraîneurs ?

Je ne crois pas que le problème vienne de là. En France, comme dans d’autres grands championnats européens, il n’y a quasiment aucun entraîneur africain non plus. Pourtant, il y a énormément de joueurs africains en ligue 1 en France ou au Royaume-Uni notamment. Je pense que le vrai problème est qu’on ne fait pas assez confiance à nos techniciens. S’il y a des dizaines d’entraîneurs européens en Afrique, il doit y avoir cette réciprocité en Europe. Nous montrerons alors que les Africains sont capables de diriger, de coacher ou de poser des tactiques intelligentes !

En France et dans d’autres grands championnats, beaucoup s’insurgent contre le calendrier de la CAN, qui prive les clubs de leurs joueurs pour plusieurs semaines. Les comprenez-vous ?

Cette question revient tous les deux ans. Je ne comprends pas forcément cette problématique, car, dans sa carrière, un joueur peut jouer pour une dizaine de clubs différents. Mais il n’a qu’une seule sélection nationale, et l’honorer doit être primordial pour lui. Mon regret est que ce débat ne se pose pas pour les joueurs européens ou américains. Lorsque des Brésiliens, par exemple, sont sollicités pour d’autres compétitions internationales, on ne fait pas toutes ces histoires… Notre Confédération de football doit se faire respecter, prouver à tous que la CAN est une compétition à part entière dans le calendrier mondial.

Vous avez été critiqué à vos débuts à la tête des Lions, mais vous avez su mener le Sénégal à son premier quart de finale de CAN depuis onze ans. Que faut-il en retenir ?

C’est une bonne performance, mais j’espère surtout que le Sénégal va aller le plus loin possible. La critique fait partie du travail de tout entraîneur, il faut faire avec. J’essaie tous les jours de donner le maximum pour mon pays dans le travail, un travail que j’aime. Je suis un coach encore jeune, l’avenir est devant moi. Je ne me considère pas comme un incompétent et n’éprouve pas de complexes. Bien au contraire.