Téléfilm sur Arte à 20 h 55

Tuer un homme - ARTE
Durée : 01:24:18

Tendre et pudique, Matteo Belmonte (Frédéric Pierrot) n’a jamais rien fait d’autre que de mener une vie paisible et digne. Mari et père aimant, travailleur acharné depuis trente ans pour faire tourner avec sa femme Christine (Valérie Karsenti) la bijouterie familiale, ce quinquagénaire va voir son existence basculer un matin quand un braqueur fait irruption dans sa boutique. Tenue en joue, Christine refuse de céder aux menaces, Matteo prend peur, saisit un pistolet, tire et blesse mortellement le malfaiteur. La scène est rapide, fulgurante. Elle est le point de rupture d’un quotidien sans histoire au centre duquel vient de s’ouvrir un précipice.

Matteo n’a pas voulu tuer. Sa femme a bien conscience qu’il a agi pour la défendre. Sa fille ne peut imaginer que son père puisse être un meurtrier. Pas plus que son fils, qui se démènera pour lui éviter la prison. Il n’empêche : tuer un homme n’est pas rien. De cet acte, chacun aura à ­répondre, s’interroger (sur soi et ce qui l’entoure), se sentir responsable ou pas. Tel est en tout cas le propos sur lequel se concentre avec tact le téléfilm d’Isabelle Czajka dont le titre nous ­livre d’ailleurs clairement la clé.

Valérie Karsenti | © Emilie de la Hosseraye

Guidés par une même intention, la mise en scène et le scénario de Pierre Chausson et Olivier Gorce marchent de concert. S’attachant aux personnages et aux chemins ténus qu’emprunte leur conscience. Saisissant l’intime (la décomposition de Matteo, la dislocation de son couple) et le collectif qui, dans cette petite ville du Sud en plein déclin social, cède à la tentation du repli identitaire, du racisme, de l’extrême droite. Le téléfilm ne néglige aucun de ces thèmes sans en favoriser un seul en particulier et sans prendre parti.

Isabelle Czajka filme la mort qui s’insinue dans l’esprit des vivants, au sein de la famille Belmonte, mais aussi la colère qui s’empare de la société civile dont une partie s’organise pour plaider le droit à la légitime défense. Des existences apparaissent, se précisent, se désarticulent durant les longs mois qui suivent le crime. Des existences incarnées par des acteurs capables de se soustraire au sensationnel, au profit d’une humilité qui sied à leurs personnages d’homme et de femme ordinaires. Dans ce registre d’émotion contenue, Frédéric Pierrot et Valérie Karsenti sont admirables.

Tuer un homme, d’Isabelle Czajka. Avec Frédéric Pierrot, Valérie Karsenti, Eva Lallier, Eric Pucheu (Fr., 2016, 85 min).