Martin Winterkorn, l’ex-patron de Volkswagen, le 12 mars 2012. | FABIAN BIMMER / REUTERS

L’étau se resserre autour de Martin Winterkorn, ancien patron de Volkswagen (VW), forcé à la démission à la suite de la révélation du scandale des moteurs diesel truqués, en septembre 2015. L’ex-dirigeant a été mis en examen, vendredi 27 janvier, par le parquet de Brunswick (Basse-Saxe), chargé de l’affaire, pour soupçon de fraude.

Les juges ont indiqué que, sur la base de documents et d’interrogatoires, ils disposaient « d’éléments suffisants » pour soupçonner Martin Winterkorn « d’avoir été informé du logiciel et de son effet plus tôt qu’il ne l’affirme ». La cour a également étendu son enquête à seize nouveaux suspects, ce qui porte à 37 le nombre de salariés du groupe mis en examen dans le cadre du « dieselgate ».

Le parquet de Brunswick a précisé avoir ordonné ces jours derniers une série de 28 perquisitions aux domiciles et aux bureaux des personnes suspectées d’avoir été informées des manipulations. M. Winterkorn n’a pas fait exception : sa villa et son bureau ont ainsi fait l’objet d’une descente de police. La thèse défendue par le groupe au départ, selon laquelle la fraude aurait été organisée par quelques ingénieurs isolés, est désormais difficilement tenable.

L’ancien patron clame son innocence

Et pourtant, l’ancien patron continue à clamer son innocence, comme l’ont rappelé ses avocats vendredi. Il y a une semaine, M. Winterkorn avait été entendu par la commission d’enquête parlementaire chargée de l’affaire, où il avait assuré aux députés n’avoir rien su de la gigantesque manipulation jusqu’à la fin de l’été 2015, soit quelques jours avant l’éclatement de l’affaire. « Je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas été informé plus tôt et de façon claire sur les problèmes de mesure [des émissions polluantes], » avait-il déclaré.

Mais le parquet estime disposer d’éléments solides permettant de douter de ces allégations. Deux techniciens de VW, impliqués dans la manipulation et qui coopèrent avec les autorités, ont en effet affirmé avoir informé, dès juillet 2012, un proche de M. Winterkorn sur le logiciel illégal installé sur les véhicules diesel. Un des témoins a déclaré être parti du principe que cette personne avait informé l’ancien patron. « Je dois parler avec le chef », avait-il même déclaré au printemps 2014, en parlant de l’affaire. Une époque où M. Winterkorn régnait en maître sur le groupe de Wolfsburg.

Ce proche de l’ancien dirigeant fait partie des 37 accusés de Brunswick. Bernd Gottweis a longtemps dirigé le département pour la sécurité des produits du groupe, un des comités les plus importants chez VW. Il était considéré comme un des « pompiers » du groupe, celui à qui on faisait appel pour résoudre les problèmes potentiellement dangereux pour VW. Il est soupçonné d’avoir participé à la manipulation des moteurs, rapporte le journal Süddeutsche Zeitung, qui avait déjà révélé les affirmations des deux techniciens entendus par les juges de Brunswick.

Défaut d’information

C’est la seconde mise en examen de M. Winterkorn dans le cadre du « dieselgate ». La première est liée au soupçon de manipulation du cours de l’action VW : le parquet de Brunswick enquête sur la question de savoir si le groupe a intentionnellement informé trop tard les actionnaires d’une possible chute du cours en septembre 2015. A la suite de la révélation du scandale, l’action VW s’était effondrée, occasionnant des pertes énormes pour les actionnaires qui attaquent aujourd’hui le groupe pour défaut d’information. S’il est établi que M. Winterkorn avait été au courant des manipulations bien avant septembre 2015, ces actionnaires pourraient obtenir plus facilement gain de cause.

Un risque énorme pour le constructeur, qui s’est déjà acquitté aux Etats-Unis de plus de 20 milliards de dollars (18,6 milliards d’euros) d’amende et de dommages et intérêts pour mettre un terme aux poursuites contre lui.

Ces nouvelles mises en examen clôturent une semaine particulièrement agitée chez VW. Jeudi, le groupe a annoncé le départ, « d’un commun accord », de sa directrice de la conformité, Christine Hohmann-Dennhardt. Avant son passage chez VW, l’ancienne juge constitutionnelle s’était bâti une solide réputation en faisant la lumière sur une affaire de corruption chez Daimler. Elle avait été appelée au sein du directoire VW à la suite du « dieselgate » pour diriger le département « droit et intégrité » et gérer les suites de l’affaire. Un an après son entrée en fonctions, elle quitte le groupe pour « divergences de vues », a indiqué VW jeudi, dans un communiqué. Selon la presse allemande, les relations s’étaient envenimées avec d’autres dirigeants du groupe.