« Manuel Valls m’a convaincu… » de voter pour Benoît Hamon. Ils sont nombreux, comme Aurélien, à avoir répondu sur le ton du « tout sauf Valls » à l’appel à témoignages lancé jeudi 26 janvier par Le Monde : « Vous n’avez pas voté au premier tour de la primaire à gauche, mais vous participerez au second tour, témoignez. »

Aurélien est ainsi resté « parfaitement indifférent » à la primaire d’un « parti dépassé » qui a « abandonné tous les combats de la gauche : la répartition des richesses, l’émancipation des travailleurs, l’égalité réelle… » C’est la « campagne dégueulasse » d’entre-deux-tours de M. Valls – « aussi insultante envers Hamon que méprisante pour les musulmans de France » – qui a décidé ce Parisien de 29 ans : dimanche 29 janvier, il votera contre lui.

Barrage pour tous

Sonia et Jean-François en étaient quant à eux persuadés : l’ancien chef du gouvernement ne pouvait pas passer le premier tour. Raté. Au second, tous deux iront donc « faire barrage » mais aussi « replacer les vraies idées de gauche au cœur de la campagne socialiste », renchérit Jean-François Ansel. Rebsamen, Macron, El Khomri… Ce Mulhousois de 48 ans énumère les ministres du quinquennat Hollande qui ont donné leurs noms à des lois au « curseur très à droite. » « Certains prétendent que Benoît Hamon vend du rêve, toujours est-il que ces personnes nous ont mis dans une situation cauchemardesque. »

Contre le principe même des primaires, Nelly Jouvenceau se fera violence pour y participer malgré tout. « Pour virer Valls, cet autocrate au sourire figé. » Pas vraiment par conviction, la retraitée de l’éducation nationale n’est même pas certaine de soutenir Benoît Hamon à la présidentielle.

Mêmes tirs de barrage du côté des vallsistes de second tour. Julie Houin, Nancéenne de 29 ans, confie que Benoît Hamon lui « fait peur ». Si elle a finalement décidé de voter ce week-end, c’est pour éviter de voir gagner « un homme qui est trop dans le social à mon goût. Je pense qu’en ce moment nous n’avons pas besoin de tout donner au plus démunis ».

« Quelle utopie ! », lance de son côté Olivier Corbière à l’encontre du programme de Benoît Hamon. Le professeur d’histoire de 33 ans est fatigué de voir, « comme d’habitude », les Français opter pour « celui qui va les faire le plus rêver ». Il ira donc déposer un bulletin Valls dans son bureau de Seine-et-Marne, pour « arrêter la surenchère du rêve » mais aussi, tient-il à ajouter, par adhésion.

La « vraie » gauche

Car il y en a, des convaincus de l’entre-deux-tours. « Totalement perdu avec le nombre de candidats en liste » au premier tour, Gaspard Claude s’est ainsi décidé après le débat de mercredi soir entre les deux finalistes, au cours duquel il a « constaté clairement que deux gauches distinctes s’opposaient ». Selon lui, le choix est désormais simple : « faire vivre une gauche libérale ou bien une gauche plus sociale. » Et l’étudiant de Châteauroux affichera sa préférence pour la seconde, la « vraie » gauche, en soutenant Hamon, « bien qu’il ne puisse (très certainement) pas remporter l’élection présidentielle. »

35 ans qu’il vote au PS, et pourtant, Hubert Cremers ne s’était pas déplacé au premier tour de la primaire. « Car le PS ne représente plus grand-chose et a perdu ses valeurs. » Son optimisme semble toutefois renaître lorsqu’il évoque Benoît Hamon, un homme « resté fidèle à son parti, à ses idées » et au projet « cohérent ».

Michel Zurbach, lui aussi, a repris confiance en suivant le débat « tout à l’honneur de la politique » entre les deux candidats. Ce retraité de 66 ans se prend même à « rêver de retrouver l’un de ces deux duellistes en finale de la présidentielle. » Son réalisme reprend rapidement le dessus lorsqu’il s’agit de désigner son favori : Valls, cette fois, pour « l’expérience ». Mais il attend impatiemment de voir « mûrir » les « utopies sympathiques » de Benoît Hamon. « Donc, Valls 2017 et Hamon 2022 », résume l’Alsacien.

Le vote Macron à trois bandes

Et il y a les stratèges à trois bandes. Ceux qui savent qu’ils ne voteront pas pour le candidat socialiste au premier tour de la présidentielle, et ne s’étaient donc pas déplacés au premier tour de « sa » primaire. Dimanche, ils iront pourtant voter, pensant que cela pourrait jouer en faveur de celui auquel ils croient vraiment : Emmanuel Macron.

Pour Yves Savidan, ce ne sera d’ailleurs pas une première. Pour faciliter « la marche » de son favori, Emmanuel Macron, il avait déjà voté Fillon contre Juppé à la primaire de la droite. « Il faut maintenant voter Hamon contre Valls. C’est ce que je vais faire. »

Jemel Boumaaraf va encore plus loin dans la tactique de vote. S’il penche pour Macron, c’est surtout parce qu’il pense que ce dernier est « le meilleur candidat » pour atteindre son objectif : « éviter un deuxième tour Fillon-Le Pen » à la présidentielle. Le technicien de gestion de 37 ans avancera donc son premier pion, dimanche. « En bref je veux aller voter Hamon afin de barrer la route à Valls qui pourrait plus facilement faire de l’ombre à Macron. »