Depuis son arrivée, Donald Trump a signé de nombreux décrets présidentiels dans le Bureau ovale. | ALEX BRANDON / AP

Le candidat vitupérait, le président signe des décrets. A la chaîne. Assis à son nouveau bureau, dans une pièce désormais parée de rideaux dorés qui ont remplacé ceux, cramoisis, choisis par son prédécesseur, Barack Obama, et qui rappellent la décoration de son intérieur à la Trump Tower.

Un buste de Winston Churchill a fait son retour dans le Bureau ovale. M. Obama en avait conservé un huit ans à la résidence, après avoir fait une place pour celui de Martin Luther King. Celui-ci a été maintenu, mais pouvait-il en être autrement ? Un portrait d’Andrew Jackson, premier président populiste des Etats-Unis selon les experts en coups de menton, a enfin été accroché au mur. C’est dans ce cadre que Donald Trump signe, puis expose ses décrets aux objectifs conviés pour immortaliser les preuves de son action.

Ses querelles avec la presse, une continuité

Au cours de cette première semaine de président, il a comblé son électorat en s’attaquant comme il l’avait promis à l’Obamacare, au libre-échange, à l’avortement, à l’organisation Etat islamique (EI), aux réfugiés, aux sans-papiers, aux régulations, aux lobbyistes, aux ennemis des oléoducs, aux ennemis d’un « mur » avec le Mexique… Et on en oublie certainement.

La plupart de ces décisions nécessiteront des votes du Congrès, un passage par la lente machine législative, pour se traduire durablement dans les faits, mais les directions sont tracées. M. Trump a aussi beaucoup tweeté, un peu moins téléphoné, reçu comme il se doit, et promis également de franchir les frontières américaines restaurées pour se rendre dans quelques mois au Royaume-Uni et en Allemagne. Le président a aussi polémiqué. Sur le nombre de ses supporteurs venus l’acclamer le 20 janvier. Sur celui des millions d’électeurs fraudeurs supposés qui l’ont privé d’un triomphe dans le vote populaire. Sur l’efficacité, enfin, de la torture.

Au cours de cette semaine qui devait témoigner d’un nouveau cours à Washington, M. Trump n’a pourtant cessé de réveiller les vieilles querelles entretenues avec la presse pendant la campagne. Au lendemain de son discours d’investiture, le président s’est rendu au siège de la CIA pour effacer un autre différend lié aux accusations d’interférences russes sur la campagne avancées par l’agence, dont il avait ouvertement douté. Il s’est exprimé, à Langley, devant le mur qui commémore les agents tombés en opérations. Donald Trump a parlé de la nécessité d’éliminer l’EI, mais il a consacré plus de temps à se plaindre des médias.

Recevant jeudi Sean Hannity, de la chaîne conservatrice Fox News, qui était apparu dans l’un de ses films de campagne, le président des Etats-Unis s’est à nouveau éternisé sur la malhonnêteté supposée de la presse. L’animateur, qui revendique de ne pas être un journaliste, n’a cessé d’attiser son ressentiment.

La volonté d’afficher une liberté rebelle

Cette même journée, son conseiller stratégique, Stephen Bannon, était sorti de l’ombre dans laquelle il se complaît comme pour mieux intriguer. Cet homme désormais omniprésent, derrière le président, lors des signatures des décrets, est un Patrick Buisson qui aurait totalement réussi. Installé au cœur du pouvoir. Détaché des contingences matérielles et des petits arrangements qu’elles imposent.

Stephen Bannon a choisi son contraire, le New York Times, pour jouir de la vengeance de la victoire du 8 novembre, longtemps jugée improbable. « Les médias devraient se sentir embarrassés et humiliés, ils devraient la fermer et écouter. Vous êtes le parti de l’opposition. Les médias sont le parti de l’opposition. Et je veux que vous me citiez », a-t-il asséné.

Pourquoi poursuivre la guerre après la victoire ? Parce qu’il est difficile de rester un outsider lorsque l’on est installé dans le Bureau ovale. Comme il est difficile de continuer de ridiculiser « Washington », ces élus qui parlent pour ne rien faire, lorsque l’on a besoin désormais de leurs voix pour que les décrets se transforment en politiques.

Rester « en guerre » contre la presse, comme l’a assuré M. Trump à la CIA, tweeter sur son compte personnel, pas celui du président, contre le New York Times et le Washington Post, samedi matin, avant de parler à Vladimir Poutine et quelques autres, permet de continuer d’afficher une liberté de rebelle. Encadrée par des rideaux dorés.