Le roi du Maroc Mohammed VI (à gauche), ici avec le président du Nigeria Muhammadu Buhari en décembre à Abuja. L’un de ses nombreux voyages récents pour rallier des pays africain à sa cause du retour du royaume dans l’UA. | PHILIP OJISUA / AFP

Le Maroc sera-t-il autorisé à réintégrer l’Union africaine (UA) ? Ou restera-t-il aux portes de l’organisation panafricaine malgré son lobbying intense ces derniers mois ? A 12 heures de l’ouverture officielle du 28e sommet des chefs d’Etat de l’UA, à Addis Abeba, les jeux ne semblaient toujours pas faits.

Une grande partie des chefs d’Etat africains sont arrivés dans la capitale éthiopienne au cours du week-end pour prendre part à ce sommet qui a officiellement pour thème « Tirer pleinement profit de du dividende démographique en investissant dans la jeunesse. »

Maroc: la question brûlante

En attendant le démarrage des travaux, une première session s’est tenue dimanche 29 janvier à huis clos au siège de l’organisation pour examiner le rapport du président rwandais Paul Kagamé sur le projet de réforme de l’organisation panafricaine.

Selon le document que Le Monde Afrique a pu consulter, les réformes soumises aux chefs d’Etat et de gouvernements devraient notamment tourner autour d’une nouvelle architecture de la Commission et ses prérogatives.

La question la plus brûlante, celle de la demande de retour du royaume chérifien au sein de l’UA, ne sera examinée que lundi - a priori dans l’après-midi. Mais en coulisses, le bras de fer se poursuit entre les partisans d’un retour immédiat du Maroc et ses opposants.

Rabat a demandé en juillet 2016 à revenir dans l’organisation panafricaine qu’Hassan II avait quittée en 1984. L’UA à l’époque était encore alors l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Le roi du Maroc entendait protester ainsi contre la reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) par l’OUA.

Les résistances persistent

En juillet, 28 Etats se sont déclarés favorables à ce retour à Kigali, la capitale rwandaise. Citée par l’Agence française presse (AFP), une source gouvernementale marocaine a affirmé dimanche dans la capitale éthiopienne que 42 Etats avaient donné leur accord. Mais en coulisses, les résistances au retour du Maroc persistent, organisées notamment par l’Algérie, grand rival du royaume et poids lourd de l’UA.

« Il ne s’agit pas juste d’un vote. Demain, la question doit faire l’objet d’une discussion entre chefs d’Etat. Si on demande un débat, c’est bien que tout n’est pas clair », souligne un observateur non gouvernemental, qui poursuit : « le Maroc a peut-être le nombre nécessaire de pays favorables à son retour, mais pas forcément les plus puissants. »

Depuis plusieurs mois, le royaume chérifien dénonce des tentatives pour retarder sa procédure d’admission. Il vise en particulier la présidente sortante de la commission de l’UA, la Sud-africaine Dlamini-Zuma, mais aussi l’Algérie, deux puissances régionales farouchement opposées à la politique marocaine au Sahara occidental.

Dans un entretien à l’hebdomadaire marocain TelQuel, ce dimanche, le porte-parole de Mme Dlamini-Zuma, Jacob Enoh Eben, confirme (en langage diplomatique) que rien n’est joué : « il y a sûrement une majorité qui sera favorable à l’intégration du Maroc. Une minorité va demander à ce que le problème de la RASD soit résolu et ils vont vraiment insister là-dessus (…) Ils peuvent aussi dire qu’ils vont constituer un Comité de personnes qui vont accompagner des mesures sur cette problématique. »

« Jouer la montre »

Selon d’autres informations, une dizaine de pays aurait co-signé une lettre demandant à ce que le retour du Maroc fasse l’objet d’un « avis juridique » préalable. Ce qui reporterait l’adhésion de Rabat d’au moins six mois.

« Les partisans d’un retour du Maroc y voient une façon pour ses adversaires de jouer la montre, souligne notre observateur indépendant, mais au-delà des rivalités entre Etats, la réintégration du royaume dans l’UA pose en effet des questions de fond pour l’organisation. »

Le Maroc refuse de reconnaître la RASD, estimant que le Sahara occidental fait partie de son territoire, tandis que les responsables indépendantistes sahraouis mettent en avant leur statut de « dernier territoire colonisé d’Afrique », dans une institution panafricaine dont la raison d’être a été la libération de l’Afrique.

Face à ces résistances, la partie marocaine s’active. Le roi Mohammed VI est arrivé vendredi soir avec une forte délégation dans le capitale éthiopienne. Il multiplie les tête-à-tête avec les chefs d’Etat africains et doit donner dimanche soir un dîner en l’honneur de toutes les délégations présentes au sommet.

Sommet de l’Union Africaine : quels enjeux ?
Durée : 03:12