Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, le 30 janvier à Addis-Abeba, en Ethiopie. | ZACHARIAS ABUBEKER / AFP

La Ligue arabe s’est dite dimanche soir « profondément préoccupée » par le décret anti-immigration de Donald Trump, qui, outre l’Iran, vise directement six de ses membres (Irak, Syrie, Yémen, Somalie, Libye, Soudan). Le porte-parole d’Ahmed Aboul Gheit, l’Egyptien qui occupe le poste de secrétaire général, s’est notamment inquiété du fait qu’un critère religieux – l’islam en l’occurence – ait pu entrer en ligne de compte dans la décision de l’administration américaine.

Mais la réaction de la Ligue détonne par rapport à celle des gouvernements arabes, qui ont choisi, pour la plupart, de rester silencieux, même ceux concernés par la décision de la Maison Blanche. C’est le cas en Syrie, où les autorités n’ont pas dévié de l’indifférence qu’elles manifestent à l’égard de leurs ressortissants réfugiés à l’étranger, depuis le début du soulèvement anti-Assad, en 2011. Il est probable que le régime de Damas veuille aussi ménager le nouveau président américain, dans l’espoir qu’il confirme, sur le dossier syrien, le positionnement prorusse qu’il avait adopté durant la campagne électorale.

L’Irak, autre pays visé, n’a pas non plus réagi. Bagdad a un besoin absolu des Etats-Unis pour mener à bien son offensive contre l’organisation Etat islamique, à Mossoul notamment. En revanche, les milices chiites de la Mobilisation populaire, qui participent à cette bataille, ont haussé la voix. Elles ont appelé le gouvernement à refuser désormais l’entrée de citoyens américains en Irak, comme l’Iran – leur patron – s’est engagé à le faire sur le sol de la République islamique.

Discrétion calculée

L’Arabie saoudite n’a pas non plus fait de commentaire. Le royaume, qui ne figure pas parmi les pays mis à l’index, aurait pu prendre position, en tant que puissance régionale et chef de file – auto-proclamé – du monde sunnite. Mais Riyad n’a pas dû être mécontent que son grand voisin et rival, l’Iran, soit épinglé par le décret Trump. Les dirigeants saoudiens, qui misent sur le nouveau président américain pour renégocier l’accord sur le nucléaire iranien, n’ont pas intérêt à le contrarier. Le roi Salman s’est d’ailleurs entretenu avec lui par téléphone, dimanche après-midi.

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Même discrétion calculée du côté de l’Egypte. L’autre pilier du Proche-Orient arabe, espère, grâce à sa rhétorique antiterroriste, s’attirer les bonnes grâces du président américain. Les deux seuls pays arabes à avoir émis des protestations, in fine, sont parmi ceux qui pèsent le moins dans la région.

Au Yémen, pays déchiré par une guerre civile et visé par le décret, le gouvernement non reconnu des rebelles houthistes, implanté à Sanaa et proche de l’Iran, a jugé « illégal et illégitime » de classer ce pays « comme étant source de terrorisme ». Dans la nuit de samedi 28 à dimanche 29 janvier, un raid américain a visé des combattants d’Al-Qaida à Yakla, dans le centre du pays. L’opération aurait fait au moins 57 morts, dont 16 civils. Un soldat américain a été tué et trois ont été blessés.

Le Soudan, pour sa part, a convoqué dimanche le chargé d’affaires des Etats-Unis, pour se plaindre du décret. Une initiative d’autant plus regrettable pour Khartoum qu’elle intervient deux semaines après la levée, par Washington, des sanctions économiques pesant sur le pays.