La directrice générale du FMI Christine Lagarde, et le ministre des finances grec, Euclide Tsakalotos, en 2015. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/ FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Quand finira donc l’interminable bras de fer entre le Fonds monétaire international (FMI) et les créanciers européens de la Grèce qui prend le pays en otage depuis des mois ?

Vendredi 27 janvier, la fuite d’un rapport très alarmiste du Fonds sur la soutenabilité de la dette publique grecque (180 % de son produit intérieur brut), a de nouveau braqué les partenaires européens du FMI et créanciers du pays (mécanisme européen de stabilité (MES) et Banque centrale européenne (BCE)). « La dette grecque est totalement intenable. Même avec une application pleine et entière des réformes approuvées dans le cadre du programme d’aide, la dette publique et les besoins de financement vont devenir explosifs sur le long terme », écrit le FMI dans ce rapport qui sera présenté à ses 189 pays membres lundi 6 février. Sans mesures d’allégement, la dette grecque atteindrait 275 % du PIB du pays en 2060.

Ce constat est loin d’être le premier dressé par le FMI. Depuis début 2015, il insiste sur le caractère intenable de la dette grecque, espérant que le MES et la BCE accepteront des mesures d’allégement substantielles. C’est précisément parce qu’il n’a, jusqu’à présent, pas réussi à les convaincre qu’il n’a toujours pas pris la décision de participer au troisième plan d’aide au pays (86 milliards d’euros), dix-huit mois après son lancement.

Les Européens ne veulent pas entendre parler d’un effacement de dettes

De fait : ses statuts interdisent au FMI d’aider un pays si à terme, sa dette n’est pas soutenable. Soit les créanciers font un effort en acceptant de renoncer en partie à leurs prêts, soit c’est le pays qui adopte des mesures d’austérité supplémentaires pour être en mesure de les rembourser.

Mais les Etats de la zone euro (qui contribuent au MES), contestent le « pessimisme » du FMI. « Le fardeau de la dette de la Grèce peut être soutenable, si les réformes convenues sont pleinement mises en œuvre, grâce aux conditions de prêt exceptionnellement favorables du MES sur le long terme et aux mesures à court terme d’allégement de la dette récemment adoptées », a fait savoir un porte-parole du MES dimanche 29 janvier.

Les Européens ne veulent pas entendre parler d’un effacement de dettes. Ils ont juste consenti mi-janvier à ce que le MES procède à des opérations très techniques, avec pour conséquence de légères baisses de taux sur certaines tranches de dette. Cependant, Berlin ne veut pas accepter de baisses substantielles des taux ni d’allongement des maturités avant les élections allemandes. Tout en réclamant, de manière parfaitement contradictoire, comme les Pays-Bas ou la Finlande, que le FMI contribue quand même au troisième plan, assurant que sa présence rend plus crédible le sauvetage du pays pour les marchés financiers.

Coupe automatique

En attendant, les Grecs sont pris en otage. Comme les Européens ne cèdent pas sur la dette, le FMI exige d’eux des garanties qu’ils parviendront à dégager un surplus primaire (surplus budgétaire hors paiement des dettes) de 3,5 % de leur PIB sur le long terme… Le premier ministre Alexis Tsipras a déjà accepté au printemps dernier d’adopter un mécanisme de coupe automatique dans les dépenses publiques si ce ratio n’était pas atteint en 2018. Les créanciers suggèrent maintenant qu’il soit étendu au-delà de 2018.

« Nous pourrions éventuellement accepter sous conditions l’extension du principe mécanisme d’alerte automatique en cas de dérapage budgétaire. Mais nous ne légiférerons en aucun cas de nouvelles mesures. Tout le monde semble l’avoir compris sauf le FMI », affirme Dimitris Tzanakopoulos, porte-parole du gouvernement grec dans une interview au quotidien Ethnos dimanche 29 janvier.

Pour Alexis Tsipras, il n’est pas possible d’aller plus loin dans les épreuves infligées au peuple grec. « Il est absolument hors de question de prendre des mesures d’austérité supplémentaires qui iraient au-delà de ce sur quoi nous nous sommes mis d’accord avec les créanciers, avertit-il dans un entretien au Journal des rédacteurs (Efimerida Ton Syntakton). Nous n’ajouterons pas seul un euro de plus dans l’austérité ! »

Besoin d’un nouveau prêt

Samedi, les Grecs – notamment les agriculteurs et les personnels des hôpitaux publics – étaient une nouvelle fois dans la rue pour dénoncer les coupes budgétaires dans les services publics. Dans ce contexte tendu, le leader du parti d’opposition Nouvelle Démocratie réclame des élections anticipées immédiates. « Le gouvernement conduit le pays à une impasse, affirme Kyriakos Mitsotakis. Qu’il donne dès maintenant une chance au peuple grec de décider comment il veut voir les choses évoluer. »

Alexis Tsipras continue d’affirmer qu’il souhaite aller au bout de son mandat en 2019 mais cela va devenir de plus en plus compliqué, au vu des exigences des créanciers. D’autant que la Grèce va avoir besoin d’un nouveau prêt au printemps, pour parvenir à rembourser en tout 13 milliards d’euros de prêts arrivant à échéance d’ici juillet 2017…