Enfin. Un an après que sa présidente a déclaré sa candidature à l’élection présidentielle, le Front national va apparaître sous les feux de la campagne. Après une année 2016 en retrait et un mois de janvier consacré à l’« accélération » du tempo, pour reprendre le terme de David Rachline, directeur de campagne de Marine Le Pen, le parti lepéniste va se retrouver au premier plan à l’occasion de ses assises présidentielles, organisées à Lyon samedi 4 et dimanche 5 février. Le programme de la candidate frontiste – un catalogue de 144 propositions – doit être révélé au fil de différentes tables rondes qui seront conclues par un meeting.

Le ton des trois mois à venir est déjà donné côté frontiste. Devant plusieurs dizaines de militants réunis à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), dimanche 29 janvier, pour une galette des rois, M. Rachline a prévenu ses troupes : « Trump a gagné face à tout le système réuni. » Comprendre : leur candidate, qui ne cesse de féliciter le nouveau président américain pour sa politique protectionniste, peut en faire de même. Et pour mobiliser face au « système », le maire de Fréjus (Var) n’hésite pas à manier la peur et à inviter ses partisans à devenir scrutateurs de l’élection présidentielle – « vous savez la capacité des autres à manœuvrer dans notre dos », dit-il. Reste un adversaire bien tangible, celui-là : François Fillon.

« Eléments troublants »

Dans un premier temps, les dirigeants du FN n’ont pas sauté sur les révélations du Canard enchaîné concernant l’emploi de son épouse Penelope comme assistante parlementaire. La faute aux propres emplois présumés fictifs, eux aussi, de plusieurs assistants au Parlement européen par le parti d’extrême droite. Marine Le Pen doit rembourser 340 000 euros à l’institution pour avoir salarié deux proches qui ne travaillaient, selon le Parlement européen, que pour le FN en France. Mais les frontistes, qui ne veulent pas laisser passer l’occasion d’affaiblir le candidat de la droite, ont finalement lancé la charge. « Les Français se posent légitimement une question : qui est le vrai Fillon ?, s’est interrogée Mme Le Pen, samedi, sur TF1. Est-ce que le vrai Fillon n’est pas un homme qui aime l’argent, et qui aurait pu manœuvrer pour s’enrichir ? Il y a quand même des éléments troublants dans cette affaire. »

Pour David Rachline, l’homme serait même devenu le « candidat de l’opacité et des manœuvres ». Et d’ajouter, face à ses militants : « Fillon est un peu comme son physique le suggère : un comptable. Comptable du bilan de Nicolas Sarkozy. » Tout l’enjeu pour le parti d’extrême droite est d’essayer d’éjecter le plus vite possible l’ancien premier ministre de la scène. « Fillon est en voie de balladurisation accélérée », assure Jérôme Rivière, ancien député UMP rallié au FN. « Il n’aura pas l’électorat populaire, et de l’autre côté, il se fait dépouiller par Macron », veut croire un mariniste.

« Trouble-fête »

Depuis plusieurs semaines, les sondages installent l’hypothèse d’un match à trois pour la qualification au second tour du scrutin, entre Mme Le Pen, M. Fillon et Emmanuel Macron. Le Parti socialiste et son candidat, Benoît Hamon, n’entrent pas, pour leur part, dans le champ des préoccupations du FN. « On ne tire pas sur une ambulance. Le PS, qu’est-ce que vous voulez qu’on dise ? », commente M. Rachline. D’aucuns rêvent plutôt d’un affrontement au second tour avec M. Macron, symbole supposé du « mondialisme ». « C’est le trouble-fête pseudo-indépendant. Tout est mis en place au niveau du système médiatique, des lobbys financiers, pour faire de Macron la nouvelle escroquerie », estime un cadre de la campagne. Une « escroquerie » que certains voient même gagner en mai : « C’est le candidat de ceux qui veulent renverser la table, mais en rangeant la vaisselle avant. »

Cette préférence répond surtout à la nécessité d’installer un duel pour ne pas manquer la marche du second tour, promise à Marine Le Pen par les enquêtes d’opinion depuis plus de trois ans. « La présidentielle est moins un défouloir que les européennes, prévient un conseiller régional. Je ne trouve pas que l’avance de Marine dans les sondages soit formidable. On peut avoir dans un mouchoir de poche Macron, Fillon et Le Pen, et là, tout est possible. » Y compris une troisième place.

Les assises présidentielles de Lyon doivent donc permettre de lancer définitivement la machine. Et d’imprimer d’autres propositions que celle de la sortie de la zone euro, qui reste compliquée à présenter à l’opinion. Le rendez-vous lyonnais doit aussi permettre de faire enfin tourner à plein régime une campagne parfois cahotante – plusieurs déplacements ont été annulés à la dernière minute – et souffrant, selon certains cadres, d’un manque de travail collectif. « C’est le flou complet, le dernier qui parle a raison. Est-ce qu’elle attend Lyon pour s’y mettre ? », s’interroge l’un d’entre eux. L’heure est en tout cas arrivée.