Au Maroc, la diplomatie est un domaine réservé du roi. Mais, pour réussir son lobbying intense auprès de ses pairs africains afin que le pays soit réintégré à l’Union africaine (UA) lors de la séquence décisive du 28e sommet de l’UA à Addis-Abeba, lundi 30 janvier, Mohammed VI s’est appuyé sur une équipe de choc de quatre personnes, toutes présentes en Ethiopie.

De fait, la diplomatie marocaine semble mieux se porter que son football. Après la défaite du Maroc contre l’Egypte dimanche en quarts de finale et son élimination de la Coupe d’Afrique des nations, cette petite équipe-là a su jouer collectif et remporter une victoire indéniable en Ethiopie.

Dans les coulisses de ce « match » panafricain, un cinquième personnage, pourtant absent de la capitale éthiopienne : le conseiller du roi, Taïb Fassi-Fihri, secrétaire d’Etat puis ministre des affaires étrangères de 1993 à 2011. Ce fin tacticien « a joué un rôle précurseur dans le rapprochement avec Paul Kagame et, plus généralement, en Afrique de l’Est », explique un proche du palais.

Le défenseur Fouad Ali Al-Himma

Fouad Ali Al-Himma, 54 ans, est le « libero » de la délégation marocaine de Mohammed VI à Addis-Abeba et dispose d’une grande liberté de mouvement. C’est le plus proche des collaborateurs du souverain chérifien, avec qui il a étudié au Collège royal. Passé par tous les échelons du ministère de l’intérieur, « Si Fouad » fait un pas de côté en démissionnant de ses fonctions gouvernementales en 2007. Il crée ensuite le Parti authenticité et modernité (PAM), qui entend faire barrage aux islamistes. En 2011, après le déclenchement du mouvement de protestation du 20-Février, il démissionne du PAM. Il est nommé quelques mois plus tard conseiller du roi, chargé des questions politiques et sécuritaires et accompagne toutes les visites royales sur le continent.

Le milieu de terrain Nasser Bourita

Depuis février 2016, il est ministre. Officiellement délégué auprès du ministre des affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, un politique, avec qui il forme un tandem, en milieu du terrain diplomatique. M. Bourita est un pur produit de la « diplomatie M6 ». Ancien secrétaire général du ministère des affaires étrangères, « c’est un homme de dossiers », résume le politologue Mustapha Sehimi. « Rabat a choisi une stratégie de la tension autour de la question du Sahara occidental. M. Bourita est le principal représentant de cette ligne dure », analyse un journaliste marocain. Que ce soit avec les Etats-Unis, l’Union européenne ou les Nations unies, ces dernières années ont connu plusieurs épisodes de crise. Ancien chef de cabinet de Taïb Fassi-Fihri quand ce dernier était chef de la diplomatie, M. Bourita, 47 ans, est celui qui porte le plus souvent la parole à la presse. Récemment, il a multiplié les déplacements en Afrique avec Mohammed VI, surtout pendant que M. Mezouar présidait la COP22, la conférence des Nations unies sur le climat qui s’est déroulée à Marrakech en novembre 2016.

Le stoppeur Yassine Mansouri

C’est le stoppeur de la sélection diplomatique de Mohammed VI. Depuis 2005, il est le patron des services du renseignement extérieur du Maroc. C’est le premier civil à la tête de la Direction générale des études et de la documentation (DGED). Agé de 54 ans, il a aussi étudié au Collège royal, en même temps que Mohammed VI. Un câble diplomatique datant de 2006, révélé par WikiLeaks, montre que les responsables américains voyaient en lui le « security czar » (« tsar de la sécurité ») du roi. Yassine Mansouri est effectivement l’interlocuteur des services de renseignement occidentaux et arabes proches du royaume. « La DGED forme parfois directement la sécurité de chefs d’Etat amis, comme au Gabon ou en Guinée équatoriale. Elle a aussi des capacités opérationnelles, y compris au Sahel », explique un observateur. Ancien directeur de l’agence de presse officielle MAP, M. Mansouri ne parle que rarement aux médias.

L’attaquante Nezha Alaoui M’Hammdi

Même s’il est parfois difficile de concilier les responsabilités d’ambassadrice en Ethiopie et auprès de l’Union africaine, qui siège à Addis-Abeba, Mme Alaoui M’Hammdi, 49 ans, devrait dans un premier temps cumuler les deux fonctions, dans une position qui ressemblerait à celle d’un attaquant de pointe, au football. Ancienne numéro deux de la direction Afrique, elle est, depuis octobre 2016, ambassadrice du royaume à Addis-Abeba, après plusieurs années passées à Accra (Ghana). « C’est aussi une universitaire accomplie qui connaît parfaitement l’Afrique, témoigne Mohammed Benhammou, président du Centre marocain des études stratégiques. La diplomatie marocaine a besoin de profils pointus pour mener des batailles comme celle qui s’annonce à l’UA dans les prochaines années. »