Le recul des dépôts de bilan a touché pratiquement tous les secteurs, en particulier les agences immobilières (– 26 %) | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Cette courbe aussi a mis du temps à s’inverser, mais, à présent, la tendance est nette : comme pour le chômage, la décrue des faillites est engagée. Seules 57 844 entreprises ont été contraintes de déposer leur bilan ou de se placer en procédure de sauvegarde en 2016, selon les données publiées mardi 31 janvier par le cabinet Altares. C’est 8 % de moins qu’en 2015, et 10 % de moins qu’en 2013, l’année la plus noire en la matière. Les défaillances sont ainsi revenues à leur plus bas niveau depuis 2008.

Mieux encore : la baisse des faillites s’est révélée particulièrement nette pour les entreprises de plus de 50 salariés. Si bien que le nombre total d’emplois menacés dans les sociétés en difficulté s’est limité à environ 200 000, soit 15 % de moins qu’un an auparavant, selon Altares. Une bonne nouvelle pour l’économie française, et pour le futur président de la République, pour peu que le mouvement se prolonge.

Avec la chute de la banque américaine Lehman Brothers en 2008 et la tempête économique qui a suivi, Nicolas Sarkozy puis François Hollande ont été confrontés à une impressionnante vague de faillites. Des milliers d’entreprises ont été emportées, dont une série de petits groupes parfois très connus, comme le transporteur Mory Ducros ou les librairies Virgin.

L’embellie touche presque tous les secteurs

Les défaillances marquantes n’ont pas totalement disparu. Ces dernières semaines, l’hebdomadaire Marianne, l’abattoir de Rethel (Ardennes) ou encore le fabricant de bijoux Christian Bernard ont ainsi été placés en redressement judiciaire. La marque de costumes Smuggler, fondée en 1978, a aussi déposé son bilan, malgré le soutien de l’ancien ministre Arnaud Montebourg qui en avait fait un symbole du « made in France ». Faute d’espoir de relance, le fabricant de dentelles Noyon, implanté à Calais, a, lui, fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Le groupe William Saurin est également sur la corde raide, en raison de trucages comptables accumulés depuis des années.

De mois en mois, l’embellie est néanmoins plus affirmée. Le nombre de nouvelles procédures collectives, qui s’était un peu accru en 2015, a diminué de 3 % au premier semestre 2016. Puis la baisse s’est accélérée à partir de l’été. « La fin de l’année a accentué ce mouvement », avec un repli de 12 % en rythme annuel au quatrième trimestre, souligne Thierry Millon, le directeur des études d’Altares. Le recul des dépôts de bilan a touché pratiquement tous les secteurs, en particulier les agences immobilières (– 26 %), un marché en plein redémarrage.

La légère croissance du PIB français et la remontée des marges des entreprises laissent espérer une poursuite du reflux. Altares mise sur un nouveau fléchissement des défaillances en 2017, de l’ordre de 7 %, ce qui ramènerait leur nombre autour de 54 000. Le prochain gouvernement devrait donc avoir à jouer moins souvent les pompiers pour éteindre les incendies sociaux provoqués par des faillites.

« Redressement plus ardu »

Il est cependant trop tôt pour crier victoire. « Nous ne sommes pas sortis de la crise », constate l’avocat Jean-Dominique Daudier de Cassini, qui préside l’Association pour le retournement des entreprises (ARE). D’une part, le nombre de faillites reste bien supérieur à ce qu’il était au début des années 2000, un signe de la fragilité persistante du tissu industriel. La croissance demeure très poussive, et certains secteurs continuent à souffrir, en particulier l’agriculture, les taxis et beaucoup d’activités liées au tourisme. D’autre part, « les dossiers qui arrivent en dépôt de bilan deviennent plus compliqués, estime M. Daudier de Cassini. Souvent, il s’agit d’entreprises en difficulté depuis des années et dont les dirigeants ont déjà utilisé tous les outils disponibles pour trouver de l’argent, restructurer, etc. Le redressement s’avère alors plus ardu, et les candidats à la reprise sont moins nombreux. »

Pour améliorer la situation, l’ARE s’apprête à soumettre aux candidats à l’élection présidentielle une dizaine de propositions. Les professionnels suggèrent notamment d’adapter le droit social au cas des entreprises en difficulté, et de favoriser l’investissement dans ce type de sociétés.