François Fillon et son épouse, Penelope, le 29 janvier lors d’un meeting à Paris. | CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Pour la deuxième semaine d’affilée, le candidat de la droite à l’élection présidentielle, François Fillon, se retrouve pris au piège d’une salve de révélations du Canard enchaîné. Selon l’hebdomadaire, l’ensemble des salaires suspects perçus par Penelope Fillon et deux des enfants du couple atteindrait un million d’euros. Ces affirmations, si elles se confirment, sont en décalage gênant avec les déclarations publiques de l’ex-premier ministre.

D’après Le Canard enchaîné, ce n’est ainsi pas seulement à partir de 1997 que Penelope Fillon aurait commencé à travailler comme assistante parlementaire de son mari, mais dès 1988. Lors de ses premières explications publiques, le 26 janvier sur TF1, M. Fillon avait notamment omis d’indiquer que son épouse avait en fait œuvré à ses côtés de 1988 à 1990. L’hebdomadaire satirique a aussi identifié une autre période passée sous silence où Mme Fillon aurait été salariée de son mari : seize mois entre 2012 et 2013.

Des embauches qui n’ont rien d’illégal, à condition de correspondre à un vrai travail. Or depuis le début, Le Canard enchaîné affirme que Mme Fillon n’a jamais véritablement occupé son poste. Une perquisition a été menée à l’Assemblée nationale, mardi 31 janvier. Selon Le Parisien, les investigations menées depuis l’ouverture d’une enquête préliminaire pour détournements de fonds publics, recel, et abus de bien social, par le parquet national financier, le 25 janvier auraient permis d’établir qu’aucun badge d’accès à l’Assemblée et aucune boîte mail parlementaire de Penelope Fillon n’ont existé.

10 000 euros mensuels

D’après Le Canard enchaîné, ces embauches de Mme Fillon comme assistante seraient d’autant plus ennuyeuses qu’elle était très confortablement rémunérée. Notamment lorsqu’elle a été employée par le suppléant de M. Fillon, l’actuel maire de Sablé-sur-Sarthe, Marc Joulaud, qui devait être entendu par les enquêteurs mercredi 1er février. Durant quelques mois en 2007, Penelope Fillon aurait touché un salaire mensuel de plus de 10 000 euros brut, soit plus que la rémunération de son patron, et au-delà du plafond accordé par l’Assemblée pour payer l’ensemble des collaborateurs.

Le candidat à l’Elysée aurait aussi menti sur le statut de ses enfants, embauchés à tour de rôle comme « assistant » entre 2005 et 2007 sur les fonds parlementaires lorsque M. Fillon était sénateur. Contrairement à ce qu’il avait indiqué sur TF1, ils n’étaient pas encore avocats à cette époque, mais étudiants. Marie Fillon, 23 ans à l’époque, a reçu 57 084 euros bruts en quinze mois. Son frère Charles prend le relais et touche 26 651 euros bruts en six mois. La réalité de leur travail fera comme le reste l’objet des investigations de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières, saisi de l’enquête.

Restent les comptes bancaires détenus par François Fillon. Lors du meeting qui devait lancer sa campagne, le 29 janvier, à La Villette, le candidat de la droite, avait défendu sa probité en affirmant qu’il ne détenait avec son épouse « qu’un seul compte au Crédit agricole de Sablé-sur-Sarthe ». D’après l’hebdomadaire satirique, ce n’est pas un mais « une quinzaine » de comptes que détiendrait le couple Fillon.

Contacté par Le Monde mardi soir, l’avocat de M. Fillon, Me Antonin Lévy, n’a pas souhaité réagir à l’ensemble de ces informations qui « ne concernent pas l’enquête ». Un peu plus tôt, il avait indiqué au Parisien, au sujet de l’absence de badge de Mme Fillon à l’Assemblée, que « de nombreux assistants parlementaires venant de province ne disposent pas de badge. Quant à la messagerie électronique, [Mme Fillon] n’en avait pas tout simplement parce que la grande majorité des collaborateurs n’en ont pas ».

La Revue des deux mondes, où a été employée Mme Fillon, ainsi que la Fondation culture et diversité, où une membre de l’équipe de campagne de M. Fillon a travaillé à mi-temps durant un an entre 2015 et 2016 ont de leur côté vivement réagi aux accusations d’emplois fictifs dont elles sont également la cible. Les deux structures, propriétés de l’homme d’affaires Marc Ladreit de Lacharrière, ami de longue date du candidat à l’Elysée, ont déclaré être en mesure d’apporter tous les justificatifs nécessaires.