Le président russe, Vladimir Poutine, le 21 janvier 2016. | SERGEI ILNITSKY / AP

Deux anciens agents du Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) et un employé de la société russe Kaspersky Lab, spécialisée dans la sécurité informatique, ont été arrêtés et inculpés de trahison pour le compte des Etats-Unis, rapporte mercredi 1er février l’agence de presse Interfax, citant un de leurs avocats.

Au Kremlin, le porte-parole de Vladimir Poutine a annoncé que le président était au courant de ces informations. Mais Dmitri Peskov ne les a ni confirmées ni infirmées. L’avocat cité par Interfax a précisé que les deux agents du FSB, qu’il a identifiés sous les noms de Sergueï Mikhaïlov et Dmitri Dokoutchaïev, étaient des spécialistes de la cybersécurité au sein du FSB.

Depuis plusieurs semaines, plusieurs articles dans la presse russe avaient évoqué l’arrestation de deux agents du FSB, détaillant notamment la spectaculaire interpellation de M. Mikhaïlov, qui aurait eu lieu durant une réunion de la direction du FSB – il y avait été encagoulé et sorti de force de la salle, et d’importantes sommes en liquide auraient été découvertes lors d’une perquisition de sa résidence secondaire, selon un média proche du Kremlin. M. Kokoutchaïev est quant à lui un ancien hackeur connu sous le pseudonyme de Forb, rapporte la presse russe, qui serait entré au FSB pour échapper à une peine de prison. On ignore si les deux hommes sont accusés d’avoir été des agents doubles, ou d’avoir transmis des informations à un tiers qui les auraient ensuite transmises à la CIA.

Un haut responsable de Kaspersky emprisonné

Le troisième homme interpellé, Ruslan Stoyanov, est le responsable des enquêtes chez Kaspersksy Lab. Son arrestation avait été confirmée la semaine dernière par l’entreprise, qui affirme qu’il est détenu à Moscou et que son arrestation n’est pas liée au travail qu’il effectuait pour Kaspersky. Selon Interfax, quatre personnes ont été arrêtées dans ce dossier, et huit autres pourraient être entendues comme témoins.

Les trois principales agences de renseignement américaines avaient publié au début de janvier un rapport accusant directement Moscou d’avoir commandité et exécuté plusieurs piratages d’ampleur, dont celui des courriels du Comité national démocrate, durant la campagne électorale. Le rapport, dont seule une version expurgée a été rendue publique, ne comportait aucun élément de preuve technique tangible, mais le haut niveau de confiance affiché notamment par la CIA laissait entendre, selon plusieurs experts, que l’agence américaine avait pu corroborer ses affirmations par le biais de sources humaines russes.

La piste d’un règlement de comptes

Mais la série d’arrestations – auxquelles s’ajoute celle d’Evgueni Nikulin, un hackeur présumé interpellé à Prague et qui fait l’objet de deux mandats d’extradition, l’un émis par Washington et l’autre par Moscou – pourrait également ne pas être directement liée au dossier des piratages électoraux américains. Selon le Guardian, qui cite plusieurs experts de la politique russe, ces arrestations pourraient aussi être liées au groupe Shaltai-Boltai, un collectif d’hackeurs qui a fait fuiter par le passé des courriels de cadres du FSB. Vladimir Anikeev, réputé être l’un des dirigeants du groupe, a lui aussi été arrêté au cours des dernières semaines.

En Russie, où les médias sont étroitement contrôlés, l’abondance de détails publiés ces derniers jours sur la série d’arrestations laisse supposer qu’il pourrait aussi s’agir d’une purge interne, ou du résultat d’une guerre des clans au sein du FSB. De même, il est impossible d’exclure que Shaltai-Boltai ait pu transmettre des informations à la CIA, mais rien à ce stade ne permet de l’affirmer.