La chancelière allemande, Angela Merkel, le 23 juillet 2016. | Michael Sohn / AP

Cette fois, l’attaque est venue des Etats-Unis. Mardi 31 janvier, dans un entretien au Financial Times, le conseiller du président Donald Trump pour le commerce Peter Navarro a accusé l’Allemagne « d’exploiter » un euro « grossièrement sous-évalué » pour gonfler son énorme excédent commercial, au détriment des Etats-Unis. Une manipulation dont la chancelière allemande Angela Merkel s’est aussitôt défendue.

Ce n’est pas la première fois que les excédents allemands sont sous le feu des critiques. Mais d’habitude, celles-ci émanent plutôt des autres pays européens ou de la Commission européenne. Il faut dire que les chiffres sont impressionnants. Selon les estimations de l’institut économique munichois Ifo, l’Allemagne a enregistré un excédent de sa balance courante (solde des échanges des biens, services et paiements divers) de 278 milliards d’euros en 2016.

Surplus colossal

Un montant supérieur à celui de l’empire du Milieu, que l’Ifo estime à 245 milliards de dollars (227 milliards d’euros) en 2016, en baisse du fait de la chute des exportations chinoises. Dit autrement : l’excédent allemand s’établit à 8,6 % du produit intérieur brut (PIB), très au-delà des 6 % recommandés par Bruxelles !

Selon nombre d’économistes, dont ceux du Fonds monétaire international, ce surplus colossal serait en partie responsable de l’anémie de la croissance européenne. Mais le sujet est plus complexe qu’il n’y paraît. L’excédent extérieur allemand est en effet le reflet du poids de l’industrie dans le PIB et du dynamisme des exportations du pays. Mais pas seulement. Il est aussi le fruit d’un déséquilibre : nos voisins épargnent plus qu’ils ne consomment et investissent. Pas parce qu’ils sont plus vertueux. Mais parce qu’ils vieillissent et mettent de côté pour leur retraite !

Encourager l’investissement

Seulement voilà : avant la crise, cet excédent d’épargne s’investissait dans le reste de la zone euro, notamment en Espagne, par le biais des prêts que les banques d’outre-Rhin accordaient à celles de Madrid ou Barcelone. Ce qui a en partie contribué à la formation de la bulle immobilière espagnole, qui a explosé en 2008… « Depuis, les banques allemandes, prudentes, ne prêtent plus beaucoup à celle du Sud, et l’Allemagne place désormais une grande partie de son épargne hors de la zone euro », explique Patrick Artus, chez Natixis. Dans le reste de l’Europe ou en Asie, notamment.

Dès lors, comment sortir de cette impasse ? Certains économistes suggèrent que Berlin dépense plus. Ou bien multiplie les mesures pour encourager l’investissement public et privé, afin que l’épargne soit drainée dans l’économie domestique. D’autres suggèrent de développer des instruments permettant d’investir les bas de laine de nos voisins dans des projets infrastructures européens rentables et sûrs, comme ceux ciblés par le plan d’investissement européen Juncker.

Reste que résumer les faiblesses de la zone euro aux excédents allemands serait un peu facile. Ces dernières tiennent aussi aux écarts des taux de croissance entre les pays, à l’absence de mécanisme de solidarité ou encore, aux failles de l’union bancaire, toujours incomplète, soulignent les économistes.