Comment mettre fin au clivage Est-Ouest en matière de transport routier européen ? Mardi 31 janvier, sur une initiative française, les ministres des transports de neuf pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, France, Italie, Luxembourg, Norvège et Suède) ont signé une « alliance du routier ».

Son objectif ? Lutter contre la concurrence déloyale entre les pays de l’Union. Sa recommandation ? Simplifier la mise en œuvre de la réglementation européenne par les opérateurs, rendre les contrôles plus efficaces, permettant à l’avenir de « définir des positions communes » en matière de politique du transport.

« Si nous ne faisons rien, les réactions seront nationales et nous n’en voulons pas, a prévenu Alain Vidalies, le secrétaire d’Etat au transport. L’Europe ne se construit pas sur la loi de la jungle et le dumping social. Cela nourrit le populisme. Nous avons un marché européen et des règles. »

« Des forçats de la route »

Le déséquilibre est flagrant. Selon une étude du Comité national routier, en novembre 2016, le salaire mensuel brut d’un conducteur, à l’international, oscille entre 300 et 3 300 euros, soit un rapport de un à onze. En incluant toutes les charges, « le coût complet à l’année d’un conducteur routier à l’international s’échelonne de 16 000 euros pour un transporteur bulgare, à 56 000 euros pour un transporteur belge », relève le document. Le temps de conduite annuel oscille entre 1 540 heures, en France, et 2 025 heures, en Lituanie.

Les fraudes sont fréquentes. En 2015, sur plus de 100 000 véhicules contrôlés en France, près de la moitié des infractions concernaient le non-respect de la réglementation sociale européenne, comme les temps de conduite et le repos des conducteurs.

« Nous souhaitons d’abord mieux prendre en compte la qualité de vie des conducteurs routiers, devenus, pour beaucoup, des forçats de la route », a insisté M. Vidalies. Dans son viseur également, les camionnettes, qui, non soumises aux mêmes règles que les poids lourds, ont pris une « part croissante dans le transport international de marchandises ainsi que domestique », déstabilisant le marché en cassant les prix.

« Mettre fin aux distorsions »

« Il faut mettre fin aux distorsions », insiste son homologue allemand, Alexander Dobrindt, et « avoir une application uniforme des normes sociales européennes ». Pour ce ministre, il faut en finir avec les malentendus. « On nous a reproché le protectionnisme. Ce n’est pas fondé. Nous voulons que tous les salariés soient protégés des abus, que leurs droits soient respectés par les entrepreneurs. »

Cette « alliance du routier » est une nouvelle étape dans le différend avec les pays de l’Est. En septembre 2016, huit de ces neuf pays, hors Suède, ont demandé à la Commission de se pencher sur « les aspects sociaux et les questions de sécurité », qui découlent des « pratiques abusives » et de la « concurrence acharnée » d’autres pays. Une réponse à la Pologne, qui, soutenue par dix autres Etats, proteste contre les « règles disproportionnées » imposées par la France et l’Allemagne en matière de salaire minimum. Varsovie a obtenu gain de cause.

En juin 2016, comme pour Berlin l’année précédente, Bruxelles a adressé une mise en demeure à Paris, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi Macron, qui impose aux transporteurs internationaux opérant en France de verser le smic à leurs chauffeurs.