François Fillon, le 1er février, à Paris. | ERIC PIERMONT / AFP

La pression se fait de plus en plus forte sur François Fillon. Après les nouvelles révélations du Canard enchaîné, dans son édition de mercredi 1er février, sur la rémunération perçue par son épouse pour des emplois supposés fictifs d’assistante parlementaire, le candidat de la droite à l’élection présidentielle est de plus en plus fragilisé dans son propre camp.

  • François Fillon dénonce « un coup d’Etat institutionnel » de « la gauche »

François Fillon a commencé la journée en voulant rassurer les parlementaires des Républicains lors d’une réunion à huis clos à son quartier général de campagne, à Paris. Il y a dénoncé « un coup d’Etat institutionnel » contre sa candidature à la présidentielle, accusant « la gauche » et « le pouvoir » d’en être à l’origine. Il a demandé aux parlementaires LR de « tenir quinze jours » derrière lui, car « on aura les résultats de cette enquête » au bout de ce délai, selon lui.

« La crédibilité de ma candidature est remise en cause » par cette affaire, a-t-il poursuivi :

« Cette opération, je vous le dis tout de suite, elle ne vient pas de chez nous, elle ne vient pas de nos rangs. N’écoutez pas ceux qui disent que ce sont nos propres amis qui pour se venger des uns et des autres ont monté cette affaire. »

L’exécutif n’a pas tardé à réagir à ces accusations. « Le seul pouvoir, c’est celui de la justice », a déclaré l’Elysée, à l’Agence France-Presse. Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a ensuite déclaré à la sortie du conseil des ministres que « la question qui est posée n’est pas celle d’un coup d’Etat de la gauche. Chacun doit assumer ses responsabilités, les Français attendent simplement vérité et transparence ».

  • Des députés commencent à douter de la candidature Fillon

Malgré le discours offensif du candidat des Républicains, les premières voix discordantes à droite ont commencé à apparaître. « La situation est compromise », a lancé mercredi après-midi, le député LR du Rhône George Fenech sur Franceinfo. Il appelle à « provoquer un conseil national extraordinaire » pour « prendre une décision dans l’urgence ».

« Je pense que le résultat des primaires est aujourd’hui caduc face à cet événement imprévisible, qui se situe non seulement sur le registre judiciaire mais également sur un registre éthique et moral. Et je ne vois pas comment une famille politique comme la mienne, qui a vocation à assurer le gouvernement, peut se soumettre à une décision d’un juge qui devrait intervenir d’ici une quinzaine de jours, nous dit François Fillon. »

Dans la foulée, c’est le député LR de la Manche Philippe Gosselin qui « appelle M. Fillon à se poser des questions sur son retrait » et qui se dit prêt à soutenir Alain Juppé. « Le fiel du doute s’est installé », a-t-il regretté à l’Assemblée nationale, disant également parler au nom d’un groupe de parlementaires qui pourrait prendre une initiative prochainement. Mais pour Benoist Apparu, porte-parole de M. Fillon et proche d’Alain Juppé : « Ce n’est pas judicieux de lancer ce type d’hypothèses. »

Face à ces doutes qui commencent à poindre, François Fillon s’engage à lutter « jusqu’au bout ». « J’ai été élu lors d’une primaire exemplaire. La démocratie, ça vous dit quelque chose ? » , a-t-il répondu mercredi après-midi en marge d’une visite au Salon des entrepreneurs à Paris, pendant laquelle il a aussi reconnu qu’il ne passait pas « un moment agréable ».

« Les électeurs se sont prononcés, quatre millions d’électeurs, ce n’est pas rien », a également déclaré le candidat. La présidente de la haute autorité pour la primaire de la droite, Anne Levade, est ensuite venue au secours de M. Fillon. « La primaire n’est pas caduque », a-t-elle dit à l’Agence France-Presse. « Si le candidat choisit de se désister, c’est autre chose », a poursuivi la juriste, précisant que « rien n’est prévu » dans les textes.

  • Le suppléant de François Fillon entendu par la justice

C’est un des protagonistes de cette « affaire Fillon ». Marc Joulaud, ancien suppléant de François Fillon et ex-employeur de Penelope Fillon, a été entendu mercredi par l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, à Nanterre. Selon ses avocats, il a fourni aux enquêteurs « l’ensemble des éléments précisant la fonction occupée par Penelope Fillon à ses côtés ».

Marc Joulaud avait remplacé en juillet 2002 François Fillon en tant que député de la Sarthe après que ce dernier eut été nommé ministre des affaires sociales et du travail. M. Joulaud avait alors embauché dans la foulée Penelope Fillon comme assistante parlementaire, selon Le Canard enchaîné. Les enquêteurs cherchent donc désormais à déterminer si Mme Fillon a effectivement exercé une activité.

Interrogée par l’hebdomadaire satirique, Jeanne-Robinson-Behre, qui fut collaboratrice de M. Joulaud, lorsqu’il était député, entre 2002 et 2007, aurait dû collaborer avec Mme Fillon. Mais elle a dit au Canard n’avoir « jamais travaillé avec elle. Je n’ai pas d’info à ce sujet. Je ne la connaissais que comme femme de ministre ».

  • « L’Obs » a retrouvé les contrats de travail de Penelope Fillon

Selon les informations de L’Obs, les contrats de travail de Penelope Fillon montrent que l’épouse du candidat LR à la présidentielle était censée travailler dans les locaux de la permanence RPR de la Sarthe, au Mans. Or, selon l’hebdomadaire, « personne ne l’a vue travailler » à cet endroit.

Interrogé par L’Obs, l’avocat de François Fillon, Antonin Levy, a tenté de justifier la situation : « Cette adresse qui figure sur le contrat a été ajoutée, d’une écriture qui n’est pas reconnue. Cette adresse, en plus, n’est pas celle de la permanence du député mais celle du parti, du RPR, donc ce n’est pas la sienne. Nous n’avons pas d’explication sur les raisons pour lesquelles figure cette mention rajoutée. »

  • François Fillon dégringole dans les intentions de vote

Depuis les premières révélations du Canard enchaîné, les intentions de vote en faveur de François Fillon ne cessent de s’effondrer, selon deux sondages publiés mercredi.

Selon une enquête d’opinion réalisée (1) par Elabe pour Les Echos et Radio Classique, le candidat de la droite ne récolterait plus que de 19 % à 20 % des voix, selon que François Bayrou soit candidat ou pas, soit cinq à six points de moins qu’en janvier. Il dégringolerait au profit de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron, tandis que Benoît Hamon gagne dix points.

Et selon un sondage IFOP-Fiducial (2) pour Paris Match et i-Télé, M. Fillon arriverait deuxième (21 % d’intentions de vote) derrière Marine Le Pen (24 %). Mais il devance de seulement quelques points Emmanuel Macron (20 %) et Benoît Hamon (18 %), ce qui correspond donc à la marge d’erreur.

(1) Enquête menée sur Internet les 30 et 31 janvier auprès d’un échantillon de 1 053 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

(2) Ce dernier sondage repose sur un questionnaire mis en ligne entre le 29 janvier et le 1er février sur 1 409 personnes extraites « d’un échantillon de 1 500 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus », précise Sud Radio.

Affaire Penelope Fillon : « La défense de Fillon est calamiteuse »
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