Donald Trump a reçu les dirigeants des principaux groupes pharmaceutiques mondiaux et du lobby américain de cette industrie, PhRMA, à la Maison Blanche mle 31 janvier. | NICHOLAS KAMM / AFP

Donald Trump souffle le chaud et le froid sur le secteur pharmaceutique. D’un côté, le président américain juge « astronomiques » les tarifs pratiqués par les fabricants de médicaments aux Etats-Unis. De l’autre, il leur promet de simplifier les procédures d’autorisation de nouvelles molécules.

Le traditionnel jeu du bâton et de la carotte, illustré par l’une de ses déclarations, mardi 31 janvier, devant les patrons de plusieurs groupes pharmaceutiques (Merck & Co, Novartis, Johnson & Johnson, Amgen…) ainsi que PhRMA, le lobby de l’industrie pharmaceutique, tous réunis à la Maison Blanche :

« Vous avez tous fait du très bon boulot sur les dernières années, mais nous devons maintenant baisser les prix. »

Donald Trump exige une baisse des prix des médicaments afin d’obtenir des « dizaines de milliards de dollars » d’économies. « Nous n’avons pas le choix », a-t-il jugé, en faisant allusion à sa volonté de comprimer le coût de Medicare et Medicaid. A eux deux, les programmes d’assurance-santé destinés aux personnes âgées, aux pauvres et aux handicapés constituent le plus gros acheteur de médicaments. Et, dans un pays où les tarifs de médicaments sont moitié plus chers qu’en Europe, leurs prescriptions pèsent lourd dans les comptes : ils représentent environ 10 % des dépenses de santé des Américains, d’après les données citées dans une étude de Bloomberg Intelligence.

Succession ouverte à la tête de la FDA

Donald Trump doit procéder à la nomination du directeur général de la Food and Drug Administration (FDA), l’agence fédérale d’évaluation et d’autorisation des médicaments. Le secteur de la pharmacie plaide pour que ce poste soit occupé par un « médecin ou un scientifique », a formulé Roger Perlmutter, patron de la recherche du groupe Merck & Co. Deux noms circulent, ceux de Balaji Srinivasan, ancien dirigeant d’une biotech, et de Jim O’Neill, investisseur dans la Silicon Valley. Tous deux sont des associés du milliardaire Peter Thiel, cofondateur de PayPal, conseiller de M. Trump en matière de sciences et de technologies. Aucun n’a un parcours médical. M. O’Neill a jugé que la FDA devrait se concentrer sur la seule sécurité des nouveaux médicaments, en laissant au marché le soin de décider s’ils sont efficaces ou non.

Medicare pourrait « négocier en direct » les prix

Ce n’est pas la première fois que le dirigeant américain dénonce les prix instaurés par l’industrie pharmaceutique. Le 11 janvier, quelques jours avant sa prestation de serment à Washington, il avait comparé ces pratiques tarifaires à celles d’un « meurtre ». Ses déclarations avaient fait plonger tous les titres du secteur à Wall Street. L’indice Nasdaq des biotechnologies et celui des 500 entreprises de la santé établi par Standard & Poor’s (S&P) avaient alors atteint leur plus bas niveau sur les trois derniers mois.

Cette fois, après avoir vu les images télévisées de Donald Trump entouré de la fine fleur des PDG du secteur, les marchés ont réagi positivement. Mardi 31 janvier, l’indice S&P de la santé a gagné 1,41 % à la Bourse de New-York. Le président a manifestement rassuré les acteurs d’une filière habituée à définir seule ses tarifs et à signer ses contrats directement avec les compagnies d’assurance privées.

La fixation des prix par l’Etat, un temps envisagée, ne serait plus autant d’actualité. Le dirigeant n’évoque plus que le cas de Medicare, qui pourrait « négocier en direct » ses prix avec les fabricants.

M. Trump a aussi feint de répondre favorablement à plusieurs des doléances des groupes pharmaceutiques. Devant les caméras, après avoir évoqué le sort d’un malade condamné qui ne peut attendre « les quatre semaines » que l’agence fédérale des produits alimentaires et des médicaments exigerait pour l’approbation d’un médicament, il a juré vouloir raccourcir les délais de mise sur le marché de nouveaux médicaments. A ses yeux, la mesure est censée relancer l’innovation, raviver la concurrence et contribuer à la baisse des tarifs.

Promesses de créations d’emplois

Pour l’heure, les modalités de mise en œuvre de cette politique aux accents démagogiques sont pour le moins floues. M. Trump « promet de réduire les prix aux Etats-Unis et d’obtenir davantage d’innovations », note Craig Garthwaite, directeur de programme à l’université Northwestern (près de Chicago), spécialiste de l’économie de la pharmacie. « Mais ce sont deux objectifs que l’on ne peut atteindre en même temps ! Les firmes pharmaceutiques lancent des produits lorsqu’elles jugent que leur investissement sera rentable », raille ce spécialiste.

A l’issue de cette réunion, les porte-parole des groupes concernés ont fait bonne figure. La PhRMA s’est dite toute prête à « collaborer » avec l’administration. Cette réunion à la Maison Blanche a été « positive, constructive », a fait valoir son président, Stephen Ubl, en soulignant combien le secteur « [prenait] sérieusement en compte les attentes quant au prix ».

Le patron de Pfizer, Ian Read, a fait mine de ne retenir que les aspects les plus favorables des propos de M. Trump. « Nous plaidons depuis longtemps pour accélérer l’approbation des génériques et lever les obstacles à leur autorisation », s’est-il félicité. Et chacun a promis de créer des emplois. La simplification de la régulation pourrait se traduire par la création de « 350 000 emplois sur les dix prochaines années », a fait miroiter la PhRMA. Dans la foulée, le laboratoire Amgen a, lui, promis de créer 1 600 emplois dès cette année.

Impossible de se passer des importations

Faut-il voir dans ces réactions une attitude calquée sur celle de Ford ? Quelques jours après avoir été menacé de taxes, le constructeur automobile a renoncé au projet d’ouvrir une usine d’assemblage au Mexique, pour un investissement de 1,6 milliard de dollars (1,49 milliard d’euros). Il a été suivi par General Motors, qui s’est dit prêt à rapatrier la production d’essieux du Mexique vers les Etats-Unis et à investir 1 milliard de dollars de plus sur le territoire pour créer « 5 000 emplois dans les prochaines années ».

Mais le secteur de la pharmacie reste inquiet des mesures protectionnistes voulues par le nouveau président, surtout après certains de ses propos belliqueux. « Nous allons mettre fin au parasitisme mondial », a-t-il ainsi juré à propos de la délocalisation de la production de médicaments en raison de la « dévaluation monétaire » de certains pays. Les fabricants américains doivent relocaliser leurs usines sur le territoire américain, a-t-il également martelé.

Mais rapatrier la production de comprimés paraît complexe. Aux Etats-Unis, 80 % des principes actifs proviennent de l’étranger, notamment d’Inde et de Chine, et 40 % des médicaments sont importés. En outre, la fabrication de médicaments est très automatisée. Dès lors, « relocaliser la production aux Etats-Unis ne fera rien à l’affaire », juge M. Garthwaite, en qualifiant « d’incompréhensible » cette vision d’une industrie américaine qui fermerait ses usines dans un pays à faibles charges pour obtenir de meilleurs prix de production « à la maison ».