Le public égyptien est plongé dans une contemplation émue face à la scène. On sourit à l’arrivée de l’artiste, on s’émeut de ses failles. Et, surtout, on acclame avec frénésie ses moindres prouesses techniques. La scène aurait pu se produire dans Le Caire des années 1960 lors d’un concert d’Oum Kalsoum. Elle a eu lieu hier soir à chaque apparition d’Essam Al- Hadary, le gardien de but et capitaine de l’équipe égyptienne, pendant que son pays arrachait son billet pour la finale de la CAN, qui aura lieu dimanche 5 février contre le vainqueur du match Cameroun-Ghana.

A 44 ans, Essam Al-Hadary devenu cette année le doyen historique de la CAN, compte 151 sélections et plus de 700 matches en clubs. C’est un monument, un véritable pharaon du football africain.

« Je me moque de mon âge »

Comme on écoute les vieux disques de ses parents, les jeunes racontent à la sortie du match qu’ils ont grandi avec le gardien. « Je me moque de mon âge, je m’entraîne comme si j’avais 20 ans, a déclaré l’idole à la BBC. Il est temps pour moi de jouer à la Coupe du monde. C’est ce que je me dis tous les matins et avant chaque entraînement. »

Du haut de son 1,88 m, avec son air altier de grand sage et un regard noir impérieux, Essam Al-Hadary ne lésine pas sur les efforts pour maintenir sa condition physique. « Al-Hadary est un gardien grandiose et l’ensemble des joueurs doit apprendre de sa volonté, de sa détermination et de son esprit combatif », assène le sélectionneur argentin de l’Egypte Hector Cuper, dans le quotidien Al-Masry Al-Youm.

Impressionnantes sont les salves d’applaudissements et l’hystérie assourdissante qui succèdent à chaque arrêt de but du capitaine. C’est néanmoins la déférence qu’il impose à l’occasion de ses (rares) échecs qui marque le mieux la stature du plus vieux des Pharaons. Alors que les occasions manquées de Mohamed Salah, la star de l’AS Roma, ou les tentatives maladroites de Kahraba, alias Mahmoud Abdel Moneim, occasionnent un tonnerre d’insultes, nul ne songe une seconde à « maltraiter » Al-Hadary.

La peine immense

Lorsque ce dernier, presque distrait, ne peut empêcher le but du Burkinabé Aristide Bancé à la 73e minute, le premier dans ses filets depuis le début de la compétition, la peine immense des spectateurs s’exprime dans un silence poli, une marque de respect.

Né à Damiette, une ville portuaire du nord de l’Egypte, l’actuel gardien du petit club de Wadi Degla, a commencé sa carrière professionnelle en 1993. Essam Al-Hadary a participé à quatre des sept sélections égyptiennes ayant remporté la CAN (1998, 2006, 2008 et 2010). Il repartira, lors de ces trois dernières éditions, avec le prix du meilleur gardien d’Afrique.

A l’exception d’un bref séjour en Europe, dans le club suisse de FC Sion, entre 2008 et 2009, Al-Hadary n’a jamais quitté le sol africain, évoluant dans divers clubs égyptiens et même au Soudan entre 2011 et 2013, de l’autre côté de la frontière d’une Egypte alors secouée de convulsions politiques à la suite de la révolution du 25 janvier.

« Aucun joueur égyptien n’est plus africain que lui, assure Ahmed, un fervent supporteur à la sortie d’un restaurant du Caire, mercredi soir. Il connaît parfaitement les autres équipes et a ce rapport au football africain que beaucoup d’autres n’ont jamais acquis. »