Cela devait être le procès UBS avant le procès. Stéphanie Gibaud avait rendez-vous avec son ancien employeur devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, jeudi 2 février. En cause, des passages de son livre, La Femme qui en savait trop, dans lequel l’ex-responsable marketing de la banque suisse décrit les pratiques d’évasion fiscale présumée de l’établissement.

Elle y raconte avec force détails les soirées, golfs et autres « somptueux pince-fesses » qu’elle organisait entre les chargés d’affaires d’UBS, suisses et français, et leurs riches clients ou ceux qu’ils tentaient de rabattre ; l’existence de « carnets du lait », décrits comme une comptabilité parallèle de fonds collectés en France et transférés en Suisse, avec un objectif supposé : sauter la case impôt ; les documents qu’elle a refusé de faire disparaître, en 2008, après une perquisition dans le bureau de l’ancien numéro 2 d’UBS France, Patrick de Fayet.

Démarchage illicite, faux comptes, destruction de preuves, harcèlement… UBS conteste presque tout du récit de la salariée, licenciée en 2012, assise, jeudi, sur le banc des prévenus, accusée de diffamation.

La présidente de la 17e chambre reprend son souffle et tente de faire le point, « sereinement », sur « un dossier qui part un peu dans tous les sens ». Car elle se heurte à un problème majeur : pour comprendre cette affaire de diffamation qui l’occupe aujourd’hui, elle doit se plonger dans ces soupçons de fraude fiscale, « fondés ou pas, l’histoire le dira à la fin ». Et l’histoire est justement loin d’être tranchée judiciairement.

Après quatre ans d’enquête menée par le juge Daïeff, le parquet financier a requis en juin 2016 le renvoi de la banque suisse, de sa filiale française et d’une demi-douzaine de ses anciens dirigeants devant le tribunal correctionnel pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale » ou « démarchage bancaire illicite ».

Un « paradoxe absolu »

Comment juger s’il y a ou non diffamation avant que « l’affaire principale » ne soit réglée ?, interroge la défense de Stéphanie Gibaud, qui plaide pour un sursis à statuer. « Il y aurait quelque chose d’étonnant à ce que la 17e chambre fasse le procès pénal avant qu’il ait lieu », renchérit Me Malka, l’avocat de l’éditeur « solitaire… euh… solidaire de son auteur ».

Même l’accusation s’y met. Evidemment, UBS a « très envie que l’on reconnaisse que Stéphanie Gibaud l’a diffamé », mais il y aurait un « paradoxe absolu » à ce que cette affaire soit réglée ici.

Le procureur suit l’unanimité : mieux vaut différer. Finalement, le tribunal repousse même sa propre décision sur un potentiel sursis à statuer, en la mettant en délibéré au 9 mars.

Patrick de Fayet, lui, avait décliné par courrier l’invitation à venir témoigner. Ses activités en province le retenaient. Surtout, ajoute l’ex-numéro 2, il est « partie prenante » dans l’« autre » affaire. Celle pour laquelle il a fait savoir, fin juin, son intention de plaider coupable.