François Fillon en meeting à Charleville-Mézières, jeudi 2 février. | FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

Pour son premier déplacement hors de Paris depuis les nouvelles révélations au sujet des salaires de son épouse, François Fillon n’a pas évité de parler des affaires qui émaillent sa campagne. Lors d’un meeting à Charleville-Mézières, jeudi 2 février, le candidat de la droite a évoqué une « agitation malsaine entretenue chaque jour par le microcosme ». Sans surprise, l’ancien premier ministre a dénoncé une machination préparée contre lui, « du jamais vu sous la Ve et même la IVe République », selon ses mots. « Ces attaques ne sortent pas de nulle part, elles ont été soigneusement préparées, mijotées dans les arrière-cuisines des officines qu’on découvrira un jour », a déclaré le vainqueur de la primaire de la droite devant un millier de personnes.

Mercredi 1er février, François Fillon avait déjà expliqué devant les parlementaires réunis à son QG qu’il était victime d’un « coup d’Etat institutionnel » avant de viser « le pouvoir », « la gauche ». Jeudi soir, lors de sa réunion publique, François Fillon a parlé longuement du climat judiciaire et médiatique en décrivant sa « colère froide face à toute cette meute qui se complaît dans cette entreprise ».

La colère d’une partie de l’électorat

Selon le candidat de la droite, il serait attaqué à cause de son projet. « Si j’étais un candidat fade, ce déchaînement n’aurait pas lieu. Si mon projet était flou, l’acharnement ne serait pas là », a lancé l’ancien premier ministre qui continue à assumer avoir fait travailler sa famille : « On ne parcourt pas un chemin si rude sans avoir à ses côtés des personnes en qui vous avez confiance. »

Devant ses sympathisants, il aussi parlé de l’émotion provoquée par ces révélations à la chaîne sur l’opinion : « Je comprends que ces accusations troublent certains d’entre vous, en raison de leur martèlement, en raison de la répétition présentée habilement comme une accumulation de preuves, en raison des sommes avancées aussi. (…) Mais des mensonges, fussent-ils répétés cent fois, ne parviendront jamais à constituer une demi-vérité. » Une façon de demander à ses militants de ne pas le lâcher. Mercredi, M. Fillon avait déjà supplié les parlementaires de tenir quinze jours en espérant que la justice le blanchisse dans ce délai.

Car les affaires troublent beaucoup l’opinion, notamment chez les électeurs de droite. François Fillon commence à décrocher dans les sondages. L’équipe du candidat en a parfaitement conscience. De retour de leur circonscription, les parlementaires ont alerté en début de semaine plusieurs proches de François Fillon sur la colère d’une partie de l’électorat.

En dénonçant une machination et un complot, François Fillon espère entraîner un mouvement de solidarité derrière lui. Cela fonctionne avec la base la plus solide et la plus réceptive aux critiques contre un soi-disant « système ». Jeudi soir, avant le discours, plusieurs journalistes ont eu des altercations verbales avec des sympathisants. « Vous avez monté ça de toutes pièces », a lancé un homme devant plusieurs caméras.

« Fillon, démission »

L’objectif du candidat est de tenir jusqu’à ce qu’il arrive à faire passer le message qu’il y a acharnement. Mercredi, devant les parlementaires, Jean-Pierre Raffarin a théorisé cette stratégie : « Naturellement dans cette affaire, il y aura un reflux. Toutes les doses à un moment ont des overdoses, tous les excès créent à un moment des effets de balancier. »

Nicolas Sarkozy avait usé de la même méthode pendant l’élection présidentielle de 2012 et pendant la campagne de la primaire à l’automne 2016. Il n’avait réussi qu’à radicaliser sa base, mais pas à reconquérir les déçus.

L’ambiance de la campagne de M. Fillon est en tout cas perturbée par le contexte. Avec ce déplacement dans les Ardennes, le candidat a certes pu enfin parler un peu de son projet. Lors de la visite d’une maison de services publics, il a échangé avec des élus et a pu exposer la façon dont il veut préserver l’équilibre des territoires tout en baissant le nombre de fonctionnaires de 500 000 postes et en faisant 100 milliards d’économies sur la durée du quinquennat.

Mais, lorsqu’il est arrivé à son premier lieu de visite, une crèche rurale à Poix-Terron, il s’est aussi fait insulter par un homme qui lui a crié « Fillon, démission ». L’homme a été ceinturé par le service d’ordre. Pendant son meeting, un homme a crié « Pourri » et a été expulsé. Aux journalistes, le candidat a alors répondu : « Je me sens comme un homme attaqué de tous les côtés mais prêt à se défendre. »