Les militaires ne sont pas prêts de pouvoir regarder sereinement leur bulletin de solde. Désormais tristement célèbre, le logiciel défectueux Louvois, qui depuis 2011 empêche soldats et officiers d’être correctement payés, ne sera retiré qu’en 2021. En dépit des mesures prises, la défense n’a toujours pas résolu ce scandale : « 9 % des soldes sont encore à retraiter chaque mois », ont annoncé mercredi 1er février les députés Geneviève Gosselin et Damien Meslot, chargés d’un suivi pour la commission de la défense de l’Assemblée. Pour 190 000 militaires concernés, 9 %, « ce n’est évidemment pas négligeable ».

En décembre 2013, après deux ans de bugs informatiques et le lancement d’un plan d’urgence, le ministre Jean-Yves Le Drian a choisi de ne sanctionner aucun des responsables ayant supervisé le fiasco mais avait annoncé que Louvois était incorrigible et serait remplacé. A l’époque, le logiciel fou avait même privé de salaire durant deux mois les premiers soldats déployés en Centrafrique. Le ministre s’était alors donné deux ans pour réussir.

Un prestataire a été sélectionné en avril 2016, pour un marché de 128 millions d’euros. Le nouveau calculateur, baptisé Source solde, « pourrait être opérationnel en janvier 2018, avec un retrait définitif de Louvois en 2021 », notent les députés.

« Défaillances traitées manuellement »

« Les soldes sont toujours versées via le système Louvois dont les défaillances sont traitées manuellement », rappellent les députés. « Aujourd’hui le nombre d’erreurs est réduit » mais « quand un nouveau cas est introduit, un nouveau type d’erreur peut apparaître ». La direction des ressources humaines du ministère a résumé ainsi : « On essaye de tenir, mais le système reste instable ».

Un officier illustre : « On ne sait jamais ce qui va arriver. J’ai eu récemment quatre épisodes de gravité variable sur quatre fiches de paie : 99 euros de moins, 3,90 euros de moins, 3 000 euros de trop sur une indemnité pour enfant handicapé qui était erronée depuis le départ, puis 100 euros de moins ».

Outre qu’elle ronge le moral des armées, l’affaire a un coût exorbitant. Il a fallu embaucher d’urgence 500 personnels (27 millions d’euros de surcoût). Et si la correction des moins-perçus occasionne des frais, les trop-perçus ne peuvent être recouvrés – 210 millions d’euros l’ont été, sur 348 millions de trop-perçus en 2016.

En juillet 2015, le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire qualifiait Louvois de « risque le plus important » pour l’institution. L’année, marquée par les attentats, fut celle d’une mobilisation exceptionnelle des soldats dans l’opération « Sentinelle ». Le gouvernement avait annoncé 35 millions d’euros pour compenser leurs efforts, notamment la suppression de congés. Mais Louvois n’a pu traiter « l’indemnité d’absence cumulée » promise début 2016. La prime devrait être versée en mars. « Au bout d’un an et demi, nous risquons de devoir faire face à un problème de crédibilité », s’est inquiété Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de terre. Selon le général, qui annonce des chiffres supérieurs à ceux des députés, « Louvois continue de poser problème chaque fin de mois pour 15 % des soldes ».

Les inquiétudes sont relancées avec la réforme fiscale du prélèvement à la source. « Ce retrait à la source sur un logiciel non stabilisé inquiète beaucoup nos soldats », a ajouté le général Bosser. Dans une conclusion très mesurée, les députés Gosselin et Meslot se disent « plutôt confiants » quant à la réussite du projet Source solde.