En 2011, AstraZeneca est tombé de « la falaise des brevets ». A l’époque, le laboratoire pharmaceutique britannique réalisait un peu plus de 30 milliards de dollars (27,9 milliards d’euros) de chiffre d’affaires. « Cela comprenait 19 milliards de dollars de médicaments, dont les brevets sont désormais arrivés à expiration », souligne Pascal Soriot, son directeur général. Soit les deux tiers de ses revenus, désormais ouverts à la concurrence des génériques…

Pour compenser, faute de travaux de recherche pendant des années, AstraZeneca n’a eu que peu de nouvelles molécules à offrir. Résultat, en 2016, le chiffre d’affaires, présenté jeudi 2 février, était en baisse, pour la cinquième année d’affilée. A 23 milliards de dollars, il est en recul de 31 % sur cinq ans.

Depuis une demi-douzaine d’années, toute l’industrie pharmaceutique fait face à cette fameuse « falaise des brevets ». Plusieurs grandes découvertes sont arrivées à expiration en même temps, en particulier sur le marché américain, le plus rentable. En 2011, Pfizer a perdu le Lipitor, un médicament anticholestérol. En 2012, Sanofi a connu la même sanction pour son anticoagulant Plavix. « Mais AstraZeneca est celui qui a connu la falaise la plus raide de tout le secteur », estime M. Soriot. Chaque perte de brevet est violente. AstraZeneca a, par exemple, perdu au quatrième trimestre 2016, aux Etats-Unis, celui du Crestor, un anticholestérol : ses ventes se sont immédiatement effondrées de 88 %.

La fin des blockbusters

M. Soriot estime pourtant que le redressement de son entreprise est proche. La perte du Crestor était le dernier médicament blockbuster (ces molécules dont le chiffre d’affaires dépassait un milliard de dollars) dont le brevet arrivait à échéance. Le pire de l’hémorragie est passé. De plus, le Français, qui a pris les rênes du laboratoire pharmaceutique en 2012, a relancé la recherche et développement en doublant son budget, à 6 milliards de dollars.

AstraZeneca a désormais dans ses tuyaux douze médicaments potentiellement presque prêts, en phase 3 des essais cliniques (la phase la plus avancée). Ceux-ci concernent essentiellement la lutte contre le cancer, les maladies cardio-vasculaires et les problèmes respiratoires. « L’année 2017 a le potentiel d’être un tournant pour notre entreprise », assure M. Soriot. Reste que l’entreprise prévoit que le chiffre d’affaires va continuer à baisser cette année.

AstraZeneca présente les symptômes les plus aigus d’une maladie contractée par une large partie des grands laboratoires pharmaceutiques. Au début des années 2000, ceux-ci étaient devenus de véritables machines à imprimer de l’argent : quelques médicaments vendus dans le monde entier généraient des revenus considérables. C’était l’époque des blockbusters.

Leur remplacement s’est révélé difficile. La médecine a tendance à devenir plus spécialisée. Chaque nouveau traitement vise un groupe de patients plus réduit. Il se vend donc en moins grand nombre.

Des profits aux dépens de la recherche

Les laboratoires pharmaceutiques ont aussi été trop gourmands, en réduisant leurs dépenses en recherche et développement pour améliorer leurs profits. « Toute l’industrie s’est un peu perdue en chemin, reconnaît M. Soriot. C’était l’époque où le marketing dominait tout. »

A cela s’ajoute l’important taux d’échec de la recherche. « La direction précédente d’AstraZeneca avait dit : “je ne veux plus voir d’échec en phase 3”, explique M. Soriot. Résultat, nous ne faisions plus aucun essai clinique en phase 3, parce que personne ne voulait prendre le risque. » Avec, parfois, des conséquences dramatiques. Un chercheur installé à Boston, l’un des grands centres d’AstraZeneca, à qui on annonçait la suspension de son travail sur un traitement prometteur contre le cancer des ovaires, avait répliqué : « Ce que vous faites est criminel. »

Reste que le succès n’est jamais sûr dans la recherche. M. Soriot a pourtant besoin de résultats assez rapidement. En 2014, sous sa houlette, AstraZeneca avait rejeté une offre d’acquisition de Pfizer, qui valorisait l’entreprise à 69 milliards de livres (80 milliards d’euros). Actuellement, elle vaut en Bourse 53 milliards de livres. Certains actionnaires doivent avoir quelques regrets.