Tony Estanguet (à gauche), coprésident de Paris 2024, et Thomas Bach, président du CIO, le 2 octobre 2016. | THOMAS SAMSON / AFP

C’est un détail qui n’en est pas vraiment un. Vendredi 3 février, en fin d’après-midi, pour marquer la troisième et dernière remise du dossier de candidature au Comité international olympique (CIO), les organisateurs de Paris 2024 dévoileront au Musée de l’homme le slogan de la candidature française, et il sera avant tout présenté en anglais.

Entre eux, les membres de Paris 2024 ne parlent d’ailleurs pas tant de slogan que de « strapline ». Faut-il y voir la victoire définitive de l’anglais sur le français, toutes deux langues officielles de l’olympisme ? Il s’agit plutôt de s’adresser à l’international, alors que la candidature dela ville de Paris est dans la dernière ligne droite avant l’élection de la ville hôte des Jeux olympiques (JO) 2024, le 13 septembre, à Lima.

« Il est important de comprendre le cycle de vie du projet [olympique], explique Michaël Aloïsio, directeur général adjoint de Paris 2024. Aujourd’hui, nous sommes dans une étape où nous devons convaincre les étrangers de nous donner les Jeux. Si nous ne comprenons pas cela, le 13 septembre, les Jeux ne seront pas à Paris. »

Une manière, aussi, d’essayer d’éviter de reproduire les erreurs du passé : lors de la candidature de Paris 2012, jugée a posteriori trop « francocentrée », la formule « L’amour des Jeux » n’avait pas été traduite en anglais.

Créer un « contexte international favorable »

Le slogan de Paris 2024 ne sera connu que vendredi en fin de journée, et il remplacera la formule « La force d’un rêve », utilisé en début de campagne. Une chose semble déjà acquise : la notion de « partage » devrait être présente. Sur le site de la candidature française, le hashtag #ShareParis s’est déjà fait une belle place. Concurrente de Paris, avec Budapest, Los Angeles a déjà fait connaître sa formule : « Follow the sun » (Suivez le soleil).

Au-delà des slogans, dans la bataille de communication que constitue toute campagne pour l’obtention des JO, le vendredi 3 février est une date-clé, celle du début de la promotion internationale. En clair, les membres de Paris 2024 sont désormais autorisés à promouvoir la candidature de la capitale tricolore lors des grands événements sportifs organisés en France (Mondiaux de hockey sur glace, Roland-Garros, Tour de France…), ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. A l’étranger, les ambassades françaises pourront distribuer des kits ou afficher des drapeaux en faveur de Paris.

Il s’agit de créer un « contexte international favorable » autour de Paris 2024. Mais si la presse mondiale est visée, la cible réelle est bien plus précise : les 87 membres du CIO qu’il faut convaincre – Thomas Bach, le président, et sept membres américains, français et hongrois ne pourront pas voter lors du premier tour, le 13 septembre.

Loin de l’attention médiatique, cette campagne de lobbying a été engagée depuis de longs mois. Interrogé par Le Monde en novembre 2016, Tony Estanguet, coprésident de Paris 2024, disait avoir rencontré une grande partie des membres du CIO lors des Jeux de Rio. Le triple champion olympique de canoë expliquait avoir fait du rafting avec certains d’entre eux.

« L’objectif était de “construire un relationnel” avec eux, relatait-il à propos de son expérience brésilienne. Bien sûr que j’avais travaillé avant, pour savoir qui était qui, d’où ils venaient. Mieux les connaître, c’était commencer à tester ce qui est le plus important pour eux. Est-ce un sport en particulier ? Est-ce le côté politique des Jeux ? Le côté marketing et les revenus ? Dans un deuxième temps, et c’est ce que nous sommes en train de faire, il s’agit de les recontacter avec des éléments beaucoup plus concrets, plus adaptés à leurs attentes. »

Turbulences à Los Angeles et à Budapest

Au sein de l’équipe de Paris 2024, on soutient officiellement qu’insister sur les qualités de la candidature française est suffisant, et qu’il n’est nul besoin de souligner les déboires ou les faiblesses éventuelles des autres villes. Une chose est sure : les turbulences que traversent actuellement les dossiers de Los Angeles et de Budapest n’apparaissent pas comme une mauvaise nouvelle pour les soutiens de Paris, même s’ils n’iront pas jusqu’à s’en réjouir publiquement.

Le 27 janvier, le nouveau président américain, Donald Trump, a signé un décret interdisant, pendant trois mois, l’entrée des Etats-Unis aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane – Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen.

Le maire démocrate de Los Angeles, Eric Garcetti, a immédiatement pris ses distances avec cette décision, rappelant qu’il était à la tête d’« une ville d’immigrants ». Les relations entre M. Trump et les soutiens de Los Angeles 2024, plutôt favorables à Hillary Clinton, candidate malheureuse de l’élection présidentielle américaine, sont loin d’être idylliques.

Même si le monde de l’olympisme, souvent amateur de diplomatie douce et de négociations feutrées, n’a pas multiplié les cris d’indignation après le décret du président américain, la mesure n’a pu qu’être mal perçue. Sur Twitter, un membre du CIO, Richard Peterkin – il représente l’île de Sainte-Lucie, dans les Antilles –, a clairement marqué sa désapprobation, estimant cette décision « totalement contraire aux idéaux olympiques ». Il n’est pas allé jusqu’à dire si cela influerait sur son vote à Lima.

Moins médiatisée que ses rivales Paris et Los Angeles, la candidature de Budapest vit, elle aussi, des moments compliqués. En Hongrie, Momentum Mozgalom, un mouvement de jeunes opposé au gouvernement de Viktor Orban et à la tenue des JO dans leur pays, a lancé une pétition, le 16 janvier, pour interroger les habitants de la capitale sur un éventuel retrait de la candidature (voir le site Nolimpia.com, en hongrois). Validée par la Cour suprême de Hongrie, la pétition doit réunir 138 000 signatures en un mois pour que se tienne un référendum. En à peine deux semaines, elle en aurait déjà réuni 70 000.

Signe d’inquiétude ou de prudence, les organisateurs de Budapest 2024 ont annoncé le report de leur campagne internationale, censée débuter, comme Paris et Los Angeles, le 3 février.

Côté français, pas de risque d’être confronté à une telle perspective : l’éventualité d’un référendum n’a jamais été sérieusement étudiée, et aucun mécanisme de pétition ne pourrait contraindre l’équipe de Paris 2024 à s’y soumettre.

Environ 13 millions de billets sur l’ensemble de la compétition

Le contenu du dossier final du 3 février, long de 110 pages, doit être livré au CIO et connu dans la journée. Intitulé « Games delivery, experience and venue legacy stage » (livraison et héritage des Jeux), il donne plus de détails quant à l’organisation de la quinzaine olympique à Paris, entre autres concernant la billetterie. Les organisateurs misent sur un taux de remplissage des enceintes de 85 %, une projection qu’ils jugent « extrêmement prudente », et prévoient une vente maximale d’environ 13 millions de billets sur l’ensemble des compétitions, si les stades sont pleins. La billetterie devrait dépasser le milliard d’euros.

Le budget du Comité d’organisation des Jeux (COJO), initialement estimé à 3,2 milliards d’euros, a été rehaussé à 3,6 milliards, financé par le privé. Les organisateurs garantissent par ailleurs environ 55 000 chambres d’hôtel, au-delà des 40 000 demandées par le CIO. Ils assurent que ces Jeux devraient être « les plus durables de l’histoire », avec une « réduction de 55% de l’empreinte carbone par rapport aux Jeux olympiques et paralympiques de Londres en 2012 », jusqu’alors la référence en la matière.