James Mattis avec le premier ministre japonais Shinzo Abe, à Tokyo, le 3 février. | EUGENE HOSHIKO / AFP

Le nouveau secrétaire américain à la défense, James Mattis, a choisi pour son premier déplacement à l’étranger, du 2 au 4 février, les principaux alliés des Etats-Unis en Asie de l’Est, la Corée du Sud et le Japon, avec un mot d’ordre : rassurer.

Plus de 80 000 soldats américains sont déployés dans ces deux pays, mais pendant la campagne présidentielle, Donald Trump avait menacé de les retirer si Tokyo et Séoul n’assumaient pas une part plus importante du coût de cette force. Il avait même laissé entendre que les deux pays devraient développer leur propre dissuasion nucléaire.

Ces propos avaient nourri une vive anxiété chez ces alliés. « Nous sommes confrontés à un environnement de plus en plus inquiétant avec la Corée du Nord et l’ascension de la Chine. C’est une situation dont on ne peut pas se dépêtrer de manière indépendante, nous devons nous en remettre au parapluie nucléaire américain, même si notre propre défense joue bien sûr un rôle », constate Ken Jimbo, chercheur à l’université Keio, à Tokyo.

Une attaque nucléaire nord-coréenne entraînerait une réponse « efficace et écrasante » des Etats-Unis

Depuis son investiture, le discours de M. Trump a changé. Lundi 30 janvier, le président américain a rappelé « l’engagement inébranlable » des Etats-Unis à défendre la Corée du Sud. Il avait employé un langage similaire avec le premier ministre japonais Shinzo Abe, premier chef de gouvernement étranger reçu à la Trump Tower de New York après son élection.

Pour cette visite d’apaisement, M. Mattis avait prévu de laisser de côté l’épineuse question du partage des frais, préférant « écouter » ces alliés pour « savoir quelles sont leurs inquiétudes », selon le Pentagone. La partie japonaise avait néanmoins préparé des chiffres, afin de faire la preuve du fardeau qui pèse sur l’Archipel.

A terme, les Etats-Unis pourraient toutefois lui demander de faire davantage pour l’alliance. Plusieurs options sont évoquées, dont une augmentation plus générale des dépenses militaires, aujourd’hui autour de 1 % du PIB nippon. Cette évolution n’irait pas à l’encontre des priorités du premier ministre Abe, désireux de faire modifier la Constitution japonaise et de redonner au pays les moyens de se défendre.

Craites de Pékin

En Corée du Sud, M. Mattis a abordé, avec le premier ministre et président en exercice Hwang Kyo-ahn et le ministre de la défense Han Min-koo la question du Thaad, le système d’interception de missiles balistiques de portée courte à intermédiaire. En juillet 2016, Séoul et Washington avaient décidé de le déployer en Corée du Sud pour contrer la menace de tirs de missiles nord-coréens. « Le Thaad est pour la protection des populations alliées et de nos troupes assurant cette protection », a déclaré M. Mattis. L’ancien militaire a souligné qu’aucun autre pays que la Corée du Nord n’a à s’inquiéter du Thaad – allusion à la Chine, qui voit dans ces radars et batteries d’interception une menace à sa propre dissuasion.

La question du déploiement du Thaad est au cœur des débats politiques en Corée du Sud. Le candidat que les sondages donnent favori pour la présidentielle anticipée attendue au printemps, Moon Jae-in, estime que la décision finale devrait être laissée au prochain gouvernement. D’autres candidats d’opposition souhaiteraient que le projet soit purement abandonné, redoutant de mécontenter Pékin qui a déjà pris des mesures de rétorsion, dont l’annulation de concerts de musique K-pop, et menace de boycotter l’enseigne de grands magasins sud-coréens Lotte.

Son étape en Corée du Sud était pour M. Mattis l’occasion de poser les bases de ce que sera la politique de Washington face à Pyongyang. Dans son discours du Nouvel An, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un avait déclaré que son pays « finalise les préparatifs d’un lancement de missile balistique intercontinental ». « Ça ne se produira pas », avait répondu M. Trump dans un Tweet, conduisant les analystes de la péninsule à se demander si le nouveau président américain n’avait pas ainsi fixé une ligne rouge.

Réacteur nucléaire

Le think tank américain 38 North estime par ailleurs que la Corée du Nord s’active pour relancer son réacteur nucléaire de Yongbyon, afin d’enrichir son arsenal. Une attaque nucléaire nord-coréenne contre les Etats-Unis ou ses alliés entraînerait une réponse « efficace et écrasante », a souligné le 3 février M. Mattis.

Même si tous les postes n’ont pas encore été attribués au département d’Etat sur les questions asiatiques, le nouveau gouvernement américain semble déjà opter pour une ligne dure vis-à-vis de Pyongyang. Le chercheur Lee Ji-yong, de l’Institut sur la diplomatie et les affaires étrangères (Ifans), proche du ministère des affaires étrangères sud-coréen, s’inquiète de voir l’administration Trump, « composée majoritairement de faucons », envisager sérieusement des frappes préventives contre la Corée du Nord.