Donald Trump et son secrétaire à la défense, James Mattis, lors de l’investiture de celui-ci, à Washington, le 27 janvier. | MANDEL NGAN / AFP

Une « mise en garde » officielle du conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn, le 1er février ; une volée de sanctions ; puis un communiqué du même conseiller répétant en partie les éléments de sa première intervention, vendredi. La Maison Blanche multiplie les avertissements à l’Iran depuis un tir de missile balistique, le 29 janvier. Donald Trump a d’ailleurs doublé ces signaux de quatre messages publiés sur son compte Twitter en deux jours. « L’Iran joue avec le feu. Ils ne comprennent pas combien le président Obama a été gentil avec eux. Pas moi ! », a-t-il écrit aux premières heures, vendredi.

Le secrétaire américain à la défense, James Mattis, a affirmé que l’Iran était « le plus grand Etat soutenant le terrorisme au monde ». Tout en réitérant une nouvelle fois l’affirmation erronée selon laquelle les Etats-Unis ont versé à Téhéran 150 milliards de dollars (139 milliards d’euros) dans le cadre de l’accord sur le nucléaire, M. Trump ne cesse de répéter que le temps d’une faiblesse américaine présumée est révolu.

La rapidité avec laquelle les sanctions ont été annoncées donne à penser qu’elles étaient prêtes depuis longtemps, comme l’a d’ailleurs reconnu le porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer, vendredi. En décembre 2016, Barack Obama avait déjà permis le renouvellement de mesures coercitives adoptées par le Congrès. Celles décrétées vendredi visent notamment un réseau de soutien basé en Chine, treize ressortissants libanais et émiratis et une douzaine d’entités jugées liées au programme balistique ou aux activités extérieures de l’Iran, en relation avec les gardiens de la révolution. Les personnes ciblées vont voir leurs éventuels avoirs aux Etats-Unis gelés et ne pourront plus faire de transaction avec des structures américaines.

La « totale préparation » de Téhéran

Le discours que tient la nouvelle administration américaine vis-à-vis de Téhéran s’inscrit en partie dans la continuité de la campagne électorale, à un important détail près. Il n’était question alors que de l’accord jugé calamiteux conclu avec Téhéran mettant fin à un programme nucléaire controversé ; cette préoccupation a disparu et la Maison Blanche a lourdement insisté sur le fait que ses critiques ne le visent pas. Ce sont désormais les activités balistiques du régime et les menaces que font peser sur le Moyen-Orient les opérations subversives que Washington lui prête qui concentrent les foudres de la présidence américaine.

Les Etats-Unis considèrent que les essais de missiles iraniens constituent une infraction aux accords conclus précédemment avec Téhéran. Le régime iranien le conteste, et estime qu’ils relèvent de sa souveraineté. « Nous ne provoquerons jamais de guerre, mais nous ne pouvons compter que sur nos propres moyens pour assurer notre défense », a tweeté vendredi le ministre des affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif. Les gardiens de la révolution ont annoncé que l’Iran avait entamé samedi des exercices militaires incluant des missiles non balistiques de très courte portée, avec pour objectif de montrer la « totale préparation à affronter les menaces », y compris les « sanctions humiliantes ».

Influence au Yémen

La Maison Blanche dénonce par ailleurs l’influence iranienne sur la rébellion houthiste qui contrôle une partie du Yémen. Depuis une semaine, l’administration américaine fait grand cas de ce soutien iranien en armes et en ressources financières, pourtant limité. M. Obama et son secrétaire d’Etat, John Kerry, avaient appelé, eux, à ne pas le surestimer.

La situation au Yémen avait été évoquée lors des entretiens téléphoniques de M. Trump avec des dirigeants d’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis (EAU), le 29 janvier. Sur le terrain, les deux pays n’ont pas les mêmes objectifs. Riyad s’est lancée en 2015 dans un conflit contre cette milice, dans lequel elle s’est rapidement enlisée, alors que les EAU concentrent leurs activités militaires contre les djihadistes qui profitent du chaos pour s’enraciner.

L’accord sur le nucléaire avait permis le retour en Iran des investisseurs étrangers et la signature de premiers contrats américains. Ces investisseurs observent désormais les tensions d’un mauvais œil. « Le président Hassan Rohani, comme d’autres modérés, se trouve forcé de durcir son discours vis-à-vis des Etats-Unis, pour ne pas paraître faible », explique Ariane Tabatabai, professeure d’études de sécurité invitée, à l’université américaine de Georgetown.

L’incertitude s’accroît aussi du fait que le nouveau secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, ne jouit pas du canal de communication que son prédécesseur, M. Kerry, avait construit avec son homologue iranien. C’est cette ligne informelle qui avait permis de résoudre en un jour, en janvier 2016, la crise provoquée par la brève détention de marins américains par les gardiens de la révolution dans le golfe Persique. Vendredi, M. Flynn mentionnait cette détention comme un exemple de provocation que les Etats-Unis ne toléreraient plus. Le Pentagone a ajouté que la marine américaine allait renforcer sa présence dans le détroit stratégique de Bab Al-Mandeb, à la sortie de la mer Rouge.